Apprécier la transition arabe, c'est inventorier les deux options en compétition, démocratique ou théocratique. Pour le monde arabe conservateur, l'avènement d'une vraie démocratie est lourd de risques ; pour le monde américain, un pouvoir islamiste contenu est un compromis acceptable et pour l'Europe, un dépassement est possible. C'est l'ampleur de la transition qui déterminera sa portée.
La transition arabe et le jeu des nations
The Arabic Transition and the Game of Nations
To appreciate the Arab transition is to take inventory of the two options in competition: democracy or theocracy. For the conservative Arab world, the advent of a true democracy is heavy with risk; for the American world, a constrained Islamic power is an acceptable compromise; and for Europe, an overcoming of the Islamic crisis is possible. It's the breadth of the transition that will determine its impact.
Deux projets concurrents dominent la transition démocratique sur la scène arabe : d’une part, le projet fondé sur les libertés, les valeurs universelles et l’équilibre des pouvoirs (projet démocratique) ; d’autre part, le projet fondé sur les préceptes de l’Islam et qui subordonne l’exercice des libertés au respect des dogmes (projet théocratique). La lutte pour faire prévaloir l’un ou l’autre détermine le destin de la région. La phase de transition que nous traversons depuis plus de deux ans est appelée à trancher des dilemmes politiques, juridiques et philosophiques d’une portée décisive.
La société arabe démocratique n’a pas de précédent. Elle sera, dans l’affirmative, une création historique, couronnement du processus qui se fait jour dans le champ arabe à la faveur de la Révolution de 2011. La société tunisienne, en raison de sa maturité sociale et politique, et grâce aux forces conscientes et déterminées qui l’animent, peut l’emporter, peut parvenir à fonder la démocratie. Toutefois, des forces puissantes, intérieures et extérieures, sont mobilisées à l’appui du projet théocratique ; elles procèdent certes du conservatisme ancré dans la société et dans le voisinage arabe du Maghreb jusqu’au Golfe, mais aussi de calculs stratégiques visant le bloc arabe.
Le succès de la transition, l’avènement de la première société arabe démocratique, aura une portée qui dépasse la Tunisie. Son échec se donnera l’illusion d’un progrès qui ne vaudra pas plus qu’un retard supplémentaire, s’ajoutant aux retards déjà accumulés dans l’ordre du vrai progrès.
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