La supériorité aérienne, l'un des piliers de la puissance militaire occidentale, est ici réévaluée à moyen terme. Elle pourrait s'éroder lentement voire être contestée sous l'effet de la diffusion des technologies critiques, du différentiel budgétaire d'investissements et de nouvelles fragilités, notamment en matière de contre-mesures.
La puissance aérienne occidentale en 2025 (1/2) : tendances de reflux
Western air power in 2025(1/2): ebbing trends
Air superiority, one of the pillars of Western military power, is reassessed here as a medium element. It could slowly erode, or even be challenged as a result of the dissemination of critical technologies, budget differential investment and new vulnerabilities, particularly in terms of cons-measures.
Si la stratégie aérienne a su établir un principe au cours de sa brève histoire, c’est bien le caractère indispensable de la maîtrise du ciel comme préalable à tous les usages offensifs de la troisième dimension (appui-feu, interdiction, bombardement stratégique, etc.). De même la possession par l’adversaire d’une réelle supériorité aérienne s’est-elle toujours révélée un obstacle dirimant pour celui qui s’y confrontait. Au cours des deux dernières décennies, ce précepte stratégique s’est affirmé avec plus de force que jamais : composante d’une manœuvre interarmées ou force de décision autonome, s’appliquant à l’ensemble du spectre de la conflictualité, l’arme aérienne fait désormais figure de marque de fabrique du modèle de guerre occidental.
Les causes de cette prééminence sont multiples, des vertus propres de la puissance aérienne jusqu’à l’aversion politique aux pertes et à la préférence contemporaine pour les engagements à distance de sécurité. Les armées occidentales sont tellement habituées à cette supériorité qu’aucune opération d’envergure ne serait aujourd’hui envisagée sans la garantie d’un tel avantage. À bien des égards, la supériorité aérienne apparaît ainsi comme une fausse évidence, un présupposé stratégique jamais remis en question, tandis que les souvenirs des dernières pertes massives d’appareils, et même d’opposition aérienne sérieuse, se font de plus en plus lointains. Tous ces éléments contribuent à l’enracinement d’une certaine conception de l’arme aérienne, à la fois comme première ligne de défense – présente sur tous les fronts, de la simple démonstration de force à l’intervention massive contre un adversaire symétrique – et comme dernier rempart, garantie ultime de la sûreté de la force interarmées et plus généralement de la supériorité militaire occidentale.
Reflet des bouleversements internationaux de l’après-guerre froide, des investissements massifs américains et du différentiel de puissance séparant l’Occident de ses adversaires, la période de supériorité aérospatiale que nous avons connue depuis près de vingt-cinq ans constitue cependant une exception historique. L’histoire du premier siècle de l’arme aérienne montre à l’inverse comment des contre-stratégies efficaces ont su répondre au développement de l’aviation militaire (1). Jouant sur les avantages inhérents aux postures défensives, les formes de contestation de la puissance aérienne ont évolué en même temps que celle-ci : les capacités de défense aérienne initialement isolées et reposant sur l’artillerie ont connu une mutation sur plusieurs décennies, rythmée par l’introduction d’innovations telles que le radar, les missiles et les réseaux de commandement et de contrôle intégrés, parfois complétés par des intercepteurs modernes (2).
Il reste 80 % de l'article à lire