Où l’on explique pourquoi l’incertitude ambiante crée un climat de précarité stratégique préjudiciable et comment y remédier.
Précarité stratégique
Strategic precariousness
Where one explains why ambient uncertainty creates a climate of strategic and prejudiced precariousness, and how to remedy it.
Nous vivons un moment particulier de précarité stratégique, déconcertés et insatisfaits que nous sommes de l’incertitude ambiante qui s’est établie depuis la fin de la guerre froide. De dérégulations en crise, la confiance en l’avenir s’est érodée. Cette incertitude ressentie est de fait devenue pour beaucoup une cause d’inquiétude permanente, une source d’insécurité latente qui expliquent une forme de nostalgie des temps apparemment mieux maîtrisés de la guerre froide. Dans d’autres parties du monde à l’inverse, l’intermède un peu confus que nous vivons actuellement est vu comme une formidable période qui libère des forces, élargit le champ des possibles et offre à ceux qui veulent s’en saisir de vastes espaces pour la promotion de leurs intérêts et l’exercice de leurs responsabilités régionales et mondiales. Il ouvre aussi des intervalles aux prédateurs de toute sorte qui peuvent en tirer bénéfice.
Mais nous appartenons à ce camp des puissances anciennement installées, désormais relatives, qui sont placées sur la défensive par le mouvement du monde. Celles-ci peinent à le maintenir dans l’état favorable qu’il a présenté pendant des décennies, celui d’un leadership occidental incontesté fondé sur l’ordre trinitaire de l’État moderne, de la démocratie parlementaire et de l’économie libérale, et sur la doxa universelle des droits de l’homme, de la charte des Nations unies et du droit des conflits armés.
Seulement voilà, la plupart des « équilibres » qui semblaient établis se sont progressivement rompus depuis vingt ans et le champ a été laissé libre à une mondialisation qui dérégule en profondeur les ordres de Westphalie, de Yalta et de San Francisco. De nouveaux acteurs infra et supra-étatiques sont devenus déterminants, qui dissuadent toutes les tentatives de retour à l’ordre antérieur. La seule question qui vaille est donc, peut-on seulement prolonger cette situation enviable qui s’érode encore un peu et si oui, à quel prix ? (1). Ou faut-il entreprendre de préparer dès maintenant le point d’équilibre suivant, celui d’une planète stabilisée à 10 milliards d’habitants dans la dernière partie du siècle ? Les court-termistes des mandats politiques répondront sans doute différemment des stratégistes du long terme.
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