Dans ce plaidoyer pour le maintien de la composante pilotée de la dissuasion nucléaire stratégique, l’auteur met en évidence la souplesse qu’apportent les forces aériennes pour couvrir une gamme désormais étendue de situations et continuer à stériliser toute volonté de s’en prendre aux intérêts vitaux de la France.
Pérennité des forces aériennes stratégiques
The sustainability of strategic air forces
In this plea for the maintenance of controlled strategic nuclear deterrence components, the author highlights the flexibility brought by the Air Force to cover a henceforth-wide range of situations, and continue to sterilize any and all willingness to take the vital interests of France from it.
L’année 2014 marque le cinquantenaire des Forces aériennes stratégiques (FAS). Cet anniversaire nous renvoie à leur acte de naissance officiel, un décret du 14 janvier 1964 signé du général de Gaulle, président de la République. En tant que nouveau commandement de l’Armée de l’air, les FAS s’identifient alors à une flotte d’avions supersoniques Mirage IV A, leurs bombes nucléaires, leurs avions de ravitaillement en vol, le tout porté par une stratégie, la dissuasion du faible au fort et la voix puissante du Général.
Un demi-siècle plus tard, le monde a changé assez pour requérir une dissuasion étendue, notamment à l’endroit des proliférants, et une dissuasion du fort au faible. Les FAS se sont transformées pour aligner des avions Rafale et Mirage 2000N armés d’ASMP-A (air-sol de moyenne portée améliorée), un missile de croisière à charge thermonucléaire. Les grandes décisions pour le renouvellement de l’ASMP-A devront être prises au tournant de la prochaine décennie, alors que le Rafale devra voler au-delà de 2040. En attendant, des études amont ont été lancées et le débat revient sur l’avenir du bombardier stratégique, par extension sur celui des FAS et de la composante pilotée.
Une réflexion stratégique sur la dissuasion qui peine à se renouveler
Les motivations d’une possible dissolution de la composante aérienne sont multiples, certaines sont inavouées. Deux arguments sont souvent mis en avant : son coût et sa crédibilité. S’y ajoute aussi la revendication des partisans du désarmement unilatéral de la France, qui voient dans la dissolution des FAS une première étape, a priori simple à réaliser. Il y a aussi ces discours opportunistes cherchant à séduire un électorat que l’on espère sensible à un message de générosité et à l’espérance illusoire de réductions d’impôts. Il y a également des militaires qui lorgnent sur le budget des FAS, voire plus largement celui de la dissuasion, pour alimenter les forces de manœuvre, dans un contexte budgétaire peu favorable. Parfois, toutes ces motivations s’amalgament dans un débat qui peine à se renouveler. Se dégageant de toute réflexion stratégique, la dissolution ainsi prônée
s’apparente à la vision d’un Robin des Bois : prendre aux riches (la dissuasion), pour donner aux pauvres (les forces conventionnelles). Et puis, après les FAS, on pourra s’attaquer à la Force océanique stratégique (FOST). Dans les années 1960 déjà, les FAS étaient l’objet de sarcasmes ou de critiques. Les FAS, c’était la « bombinette », au détriment des régiments blindés. L’histoire du débat national sur la dissuasion retient aussi que les critiques n’émanaient pas que des pacifistes ou du Parti communiste français, mais aussi de ceux qui soutenaient la pertinence des forces nucléaires, à condition qu’elles ne soient qu’américaines et placées dans l’Alliance atlantique. Ce fut le cas de Raymond Aron.
Il reste 86 % de l'article à lire
Plan de l'article