Billet - Gone with the Rafale
On n’a parlé que de cela et finalement on n’en a rien dit : de quoi The Artist est-il le nom ? Et pourquoi cet engouement américain pour un film certes plaisant mais d’une originalité discutable ? Bel exercice de style, hommage revendiqué au cinéma des temps héroïques, copié-collé de plusieurs synopsis déjà maintes fois mis à l’écran : mais de là à lui attribuer plusieurs Oscars… C’est que, se sont réjouis les frustrés de la crise irakienne de 2003, les Américains aiment de nouveau la France. Erreur, ils s’aiment et ne nous aiment que lorsqu’on leur dit qu’on les aime et qu’on leur rappelle leur puissance, lorsqu’ils avaient du talent sans effets spéciaux et sans drones, lorsqu’ils gagnaient les guerres et savaient faire des avions, du temps du technicolor aujourd’hui délavé de cette pastorale sublimée qui reste l’ultime refuge d’une nation de grands dépressifs.
Français, braves Français, redites-nous que nous sommes les meilleurs et les plus intelligents ! C’est le seul intérêt que les Américains semblent avoir trouvé à The Artist ou à notre retour dans le commandement intégré de l’Otan, ces films de Français muets singeant les stars hollywoodiennes ou assignés aux photocopieuses et aux machines à café du Shape, claquemurés à ratiociner sur le cyberespace mais apparemment plus utiles à une déjà pléthorique bureaucratie que sur le terrain à prévenir des offensives du Têt, Made in taliban ; en tous les cas, plus au chaud. Les Américains ne sont jamais que dans l’imitation des autres, écrivait Denis de Rougemont, et à Hollywood ils s’imitent eux-mêmes. Et à Bruxelles, donc ! Ils sont à l’image de ces Sudistes de Gone with the Wind, accrochés à un passé révolu tandis que Atlanta ou Kaboul sont en feu. Oublions l’avenir, reconstruisons le passé !
Mais pendant que l’Amérique se complaît dans l’i-mythation, le monde avance et on oublie que les Français ne savent pas seulement faire des films et des courbettes ; ils conçoivent également des avions depuis aussi longtemps que les frères Lumière ont inventé le cinéma. Les mensuels aéronautiques anglo-saxons s’intéressent de plus en plus à notre Rafale national, objet chez nous de tous les quolibets, mais seul avion opérationnel pour les 25 ans à venir. D’autant que les mêmes revues ont enterré le JSF, le F-35 américain, ce fer à repasser volant dont les concepteurs ont voulu qu’il fasse tout et qui ne sait rien faire.
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