Billet - There’s a war on, Sir!
C’était l’excuse à Londres durant la Seconde Guerre pour servir du mauvais alcool, pour autant, comme le rapporte d’Astier de la Vigerie, que « la guerre trouble surtout les habitudes de ceux qui ne la font pas ». Mais qui en parlent d’autant plus qu’ils la voient partout et dissertent sur elle dans des copies quinquennales qui ne sont que la redite de la rédaction précédente, comme à la petite école lorsqu’il faut raconter à chaque rentrée des classes qu’on s’est bien amusé pendant les vacances et qu’il faisait beau chez Mamie. La nouveauté est que la guerre semble désormais troubler ceux qui font métier de la faire.
Drôle de désert des Tartares que la posture de notre armée, qui de grande muette est devenue grande sourde et fait le grand écart entre la disparition de la guerre en Europe – qui pourrait, après tout, justifier sa propre mort et la fin du cycle commencé il y a cinq siècles avec la constitution des bandes picardes – et l’idée de la faire quand même, n’importe où chez les autres et à tout prix. Injonction paradoxale dont elle ne parvient à s’extraire qu’au prix d’une substitution du mot, remplacé par celui de sécurité, d’un rétrécissement de la pensée stratégique au seul horizon atlantiste et de l’exclusion de ceux qui ont le tort d’y objecter.
Certains prétendent que nous serions ainsi revenus aux années trente : rien de plus faux. Lorsque le colonel de Gaulle distribua son Mémorandum en janvier 1940, Jean Lacouture relève que cet acte d’insubordination aurait été sanctionné dans n’importe quel autre État dont les dirigeants auraient eu, ne serait-ce qu’une once d’autorité. Mais à l’époque les nôtres « n’osaient pas même rappeler à l’ordre un hérétique et relaps » parce qu’ils étaient avant tout incapables de « trouver l’énergie de déclencher un bouleversement d’idées et de structure ». Il faudra donc se féliciter que nos Connétables en germe soient aujourd’hui réduits au silence et qu’un nouveau de Gaulle ne trouve plus à être publié. « Ce n’est pas qu’il ait à craindre un autodafé, écrivait Tocqueville en anticipant cette censure des temps américains à venir, mais il est en butte à des dégoûts de tous genres et à des persécutions de tous les jours. Avant de publier ses opinions, il croyait avoir des partisans ; il lui semble qu’il n’en a plus maintenant qu’il s’est découvert à tous. Car ceux qui le blâment s’expriment hautement, et ceux qui pensent comme lui sans avoir son courage se taisent et s’éloignent. Il cède, il plie enfin sous l’effort de chaque jour, et rentre dans le silence, comme s’il éprouvait des remords d’avoir dit vrai ».
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