Billet - Plantés !
Nous avons, semble-t-il, échappé à la fin du monde. On nous avait annoncé des tsunamis, des comètes, des trous noirs abyssaux, le Big Crunch : et puis rien. Nous voilà donc en sursis. Mais plantés. Car il aurait été si simple d’avoir à tout recommencer, tout reconstruire, tout repenser ; face au vide, on n’aurait pas eu le choix. Alors que désormais il va falloir inventer et opérer ce renversement copernicien qui nous fera sortir de nous-mêmes parce que plus rien ne marche. Le FMI découvre que la libéralisation totale des marchés financiers n’est pas la panacée, les physiciens qu’en fait de secret de la matière, ils n’ont trouvé dans leur accélérateur de particules que ce qu’ils cherchaient et qui ne mène nulle part. Si ce n’est pas la fin du monde, c’est la fin d’un monde. Alors on fait quoi de la relativité, du libre-échange, de la psychanalyse, des usines chinoises ?
C’est simple : on continue comme avant et c’est reparti pour un tour. Prenez ce sulfureux dossier du gaz de schiste. Nous serions, en France, assis sur une mine d’or noir : plus besoin d’avoir des idées maintenant que nous avons un pétrole qui n’ose dire son nom. À défaut d’un nouveau monde, inventons de nouveaux mots. Plantés, plantons des puits, des puits et encore des puits. Aux États-Unis c’est encore mieux : premiers producteurs sous peu et auto-suffisants. Pourquoi dans ces conditions faire des efforts, développer des énergies alternatives, changer un mode de vie dont on sait qu’il mène à la catastrophe, alors que la fracturation hydraulique donne dix ans, vingt ans de répit ? Encore une minute, Monsieur le Bourreau, et que survivent les mauvaises habitudes et le gaspillage ! Et puis il y a ces centaines de milliers d’emplois créés, ces dixièmes de points de croissance regagnés et la marge de manœuvre diplomatique et militaire retrouvée. Vous appelez ça la fin du monde ?
Bien sûr il y a les sécheresses, les incendies gigantesques qu’on ne parvient plus à éteindre, le Mississippi qui ne sera bientôt plus navigable, et les ouragans qui coûtent à chaque fois des dizaines de milliards de dollars ajoutées à une dette que l’Amérique ne remboursera de toute manière jamais. Et alors ?
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