La Conférence d’Helsinki n’a-t-elle été que le « sommet » de la détente ? Ne sommes-nous pas maintenant engagés sur une pente menacée par les orages ? L’Europe, surtout dans sa partie méridionale, est en état d’instabilité politique. Le risque existe donc de la voir basculer du côté du communisme, apportant ainsi à l’Union soviétique, dont l’effort militaire ne se relâche pas, un avantage stratégique considérable. Comment les gouvernements occidentaux doivent-ils réagir ? L’auteur répond en mettant en garde contre les erreurs à ne pas commettre dans l’analyse de la situation et dans l’attitude à adopter à l’égard des forces de changement et face à la puissance militaire de l’Est.
Nouvelle phase en Europe : de l'instabilité politique au déséquilibre militaire
Les rapports Est-Ouest, en Europe, sont-ils en train de passer de l’ère de la détente à celle du soupçon ? À voir les nuages et les points d’interrogation qui s’amoncellent, on est fondé à se le demander. Certes, comme nous avons essayé de le signaler au cours de ces six dernières années en présentant aux lecteurs de cette revue quelques bilans périodiques de la détente, celle-ci a toujours comporté, par définition, des contradictions essentielles ; le passage de la guerre froide à la paix chaude favorise la stabilité par la reconnaissance du statu quo, mais libère par là même des forces de changement porteuses de conflits divers et imprévisibles (1).
Aujourd’hui les contradictions se font jour avec une vigueur accrue. L’analyse doit-elle mettre l’accent sur la détente ou sur les conflits, sur la stabilité ou sur le changement, sur la réconciliation des alliances et des nations ou sur les déplacements d’équilibre entre elles ? Une version officielle et rassurante, propagée surtout par les gouvernements, en particulier ceux de l’Est, met l’accent avant tout sur la conférence d’Helsinki. Celle-ci représenterait non seulement la consécration du statu quo mais la fin de la guerre froide ; désormais il s’agirait de rendre la détente politique irréversible par la coopération économique et la détente militaire. D’autres versions de cet optimisme mettraient l’accent sur le rôle des Neuf de l’Europe occidentale à cette conférence, ou sur celui des petits États par rapport à celui des superpuissances, ou sur le fait que le thème de la circulation des hommes et des idées ait pu acquérir droit de cité dans une négociation internationale. Au-delà de cette négociation, l’évolution politique d’un certain nombre de pays, en particulier ceux de l’Europe méridionale, montrerait que la détente permet aux peuples de se débarrasser plus facilement des régimes tyranniques. S’y opposer reviendrait à mettre en cause à la fois la détente, le principe de non-intervention dans les affaires intérieures, et une évolution historique inévitable et salutaire.
Pour une interprétation opposée, le conflit l’emporte sur la réconciliation et, à l’intérieur de ce conflit, l’Est est en train de marquer des points considérables sur l’Ouest. Le sommet d’Helsinki a constitué au pire une capitulation de l’Occident et, au mieux, une cérémonie symbolique. L’U.R.S.S. le démontre par son refus d’appliquer les clauses de la « Troisième corbeille ». Plus encore, elle manifeste et conseille aux partis communistes occidentaux une agressivité nouvelle face à l’Occident en crise, et particulièrement face aux partis socialistes. Elle poursuit un effort militaire, notamment naval, considérable qui ne peut s’expliquer que par des intentions offensives, et, de fait, le flanc sud de l’O.T.A.N. est en décomposition. Plutôt que de détente, il faudrait s’occuper de s’opposer aux progrès de la puissance militaire soviétique et à ceux du communisme, surtout en Europe méridionale, les uns et les autres étant indissolublement liés.
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