Le jeu des grandes puissances dans l’océan Indien
M. Raoul Delcorde, docteur en science politique de l’université catholique de Louvain (Belgique), est un diplomate belge qui fait partie de la délégation de son pays à Vienne, à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). Il est l’auteur d’un ouvrage sur la sécurité dans le Golfe et a publié plusieurs articles sur les problèmes géostratégiques au Proche-Orient. Il aborde remarquablement les tensions qui surgissent tout au long de « l’arc de crise » qui s’étend de la mer Rouge aux détroits malais et indonésiens. L’océan Indien n’est pas une « zone de paix » comme le souhaitent certains de ses pays riverains, mais une « zone de paix violente » susceptible de donner naissance à des conflits limités ou à de véritables guerres.
La géopolitique de l’océan Indien ne peut être évoquée sans étudier les conséquences de la rivalité des États-Unis et de l’ex-Union soviétique qui, pendant plus de trente ans, se disputèrent la suprématie sur cet océan. Actuellement la Russie ne peut plus jouer à ce jeu difficile, mais Moscou reviendra un jour ou l’autre dans cet océan qui est la route normale entre la Russie d’Europe et la Russie d’Asie. La France, pays riverain de l’océan Indien depuis le XVIIe siècle et liée à la république de Djibouti par des accords de défense, a défini une stratégie conforme à ses intérêts, à ses engagements, à son rôle de puissance européenne et à sa tradition de nation ouverte à toutes les formes de coopération pour le développement de la paix et de la sécurité.
L’auteur a parfaitement analysé ce jeu des grandes puissances en traitant de la guerre du Golfe et de sa suite. Cette « nappe d’eau » semi-fermée, avec un seul accès à la mer libre par le détroit d’Ormuz, est le théâtre de tensions incessantes entre les pays riverains. La rivalité Irak-Iran, le réarmement de celui-ci et sa poussée permanente vers l’océan Indien, l’attitude de celui-là, la production et l’évacuation du pétrole maintiennent dans cette région un climat explosif. Bon gré mal gré, les puissances occidentales, sous la bannière des Nations unies, doivent surveiller étroitement la situation et maintenir en alerte les moyens nécessaires pour une intervention immédiate. Il faut s’installer et vivre dans la crise.
Dans sa conclusion, M. Delcorde aborde une très intéressante analyse théorique reprenant et approfondissant les thèmes rencontrés tout au long de l’ouvrage en les situant aux trois niveaux classiques : celui de l’acteur, celui des relations internationales, celui du système international tout entier. Enfin il termine par l’esquisse d’une théorie de l’intrusion des superpuissances dans l’océan Indien au moyen des signes, des indices et des événements qui ont marqué cette pénétration. ♦