Rendez-vous à Veracruz
Erwan Bergot était un merveilleux conteur, on le savait historien mais c’est aussi un romancier qui s’empare de son lecteur dès les premières pages. Le prologue décrivant l’engagement au fort Saint-Nicolas est une merveille du genre. Dès lors on ne peut plus quitter les quatre héros qui, au sein d’une compagnie de Légion étrangère, vont plonger dans l’aventure de la guerre du Mexique sous Napoléon III.
Tout en respectant le contexte historique, l’auteur nous fait faire connaissance avec la guérilla et la difficile adaptation de l’armée française à ce type d’opérations. À d’excellentes descriptions de massacres et d’embuscades tendues par les Mexicains libéraux, se mêlent les tentatives individuelles puis collectives des Français pour organiser une contre-guérilla. Bergot nous montre tous les visages de la guerre subversive, même les plus déroutants : depuis les efforts du conquérant français pour se faire adopter au besoin par le mariage jusqu’aux contacts secrets auprès des « rebelles » ennemis grâce à un prêtre français « retourné » par les indigènes. L’amour et la générosité alternent avec la violence et la cruauté. Personne dans ce conflit n’est indifférent : du commandant en chef français préoccupé de sa réputation et de celle de son armée au « juariste » convaincu de son droit sur sa terre, de la famille impériale pénétrée de sa mission aux Mexicains « collaborateurs » désireux d’en terminer avec les désordres libéraux.
Brigandages, assassinats, règlements de compte sont couverts du voile patriotique de la guerre. Espoirs et déceptions se succèdent dans les deux camps jusqu’à l’écroulement final de la politique napoléonienne avec le rembarquement du corps expéditionnaire français. Celui-là allait être le premier d’une dure série dans l’histoire de l’armée française et plus particulièrement de notre Légion étrangère : Indochine, Algérie… C’est parce qu’il les avait bien connues et vécues que Bergot savait si bien faire vivre cette aventure mexicaine où tant de soldats français y ont laissé leur vie et pas seulement à Camerone.
La Légion a rembarqué à Veracruz et Erwan Bergot nous a quittés. Grand merci à lui de nous avoir légué avec tant de style, de finesse et d’émotion l’histoire glorieuse et inutile, sans cesse renouvelée, de nos corps expéditionnaires. ♦