Un nouveau regard sur le temps présent
Il convient de saluer la naissance de cette nouvelle collection qui cherche à établir des ponts entre connaissance et action, culture générale et pratique, pédagogie et information. Par leur forme moderne et agréable, leur style direct, la richesse de leur documentation qui prend la forme de cartes, tableaux et schémas, les volumes de cette nouvelle série répondent d’emblée à bien des attentes.
Le choix des titres non plus ne devrait pas décevoir les lecteurs. Dans Le siècle des excès de 1880 à nos jours, solide ouvrage de 592 pages, les quatre auteurs (Christine Bermond-Bousquet, Patrick Cabanel, Maxime Lefevre et Patrick Touchard) dressent un brillant panorama de notre époque en vingt-quatre chapitres, vingt chronologiques, les quatre derniers retraçant des mouvements plus longs (l’économie mondiale depuis la Première Guerre mondiale, la naissance de la modernité ; les aspects culturels (1880-1940), apogées et crises de la modernité ; les aspects culturels de 1945 à la fin des années 1980, fondamentalisme et modernité ; les religions depuis 1880). L’approche est délibérément globale et c’est l’histoire générale des sociétés qu’ils nous livrent : relations internationales, politique, économie, culture, évolution des sociétés sont étroitement liées. En cette fin de siècle, il n’est pas inutile de mesurer le chemin parcouru par les quatre générations qui nous séparent du conflit de 1870 qui a détruit l’équilibre européen et ouvert une spirale de guerres, d’affrontements et de heurts dont nous voyons – il faut l’espérer – les ultimes manifestations. Chacun y trouvera matière à réflexion, occasion de se rafraîchir la mémoire, une mine de citations comme ce propos de 1878 de Bismarck à l’ambassadeur français Saint-Valier : « Les bassins de la Méditerranée (étaient la) sphère d’expansion naturelle du peuple français ». On y trouvera bien d’autres choses encore comme ce beau tableau en page 12 des grandes puissances du monde au début de ce siècle ou cette carte en pages 110-111 des vingt conflits de l’Europe de Versailles, dont près de six demeurent actuels.
On doit à Frédéric Teulon un impressionnant triptyque consacré à l’histoire et l’analyse des économies et des sociétés contemporaines de plus d’un millier de pages. Le premier, Croissances, crises et développement, retrace les grandes évolutions économiques depuis la révolution industrielle, en insistant sur les pays dominants (États-Unis, Japon, France, Allemagne, Royaume-Uni), les pays du Tiers-Monde et ceux de l’Est. Descriptions, schémas, tableaux chiffrés, équations se succèdent et forment un corps de savoir fort utile. Le deuxième volume est centré sur Le capitalisme et l’État au XXe siècle. Il analyse comment les fonctions de l’État et les politiques économiques ont évolué, et comment les principes de fonctionnement des systèmes capitalistes se sont modifiés depuis deux siècles. Le dernier volume, La nouvelle économie mondiale, présente en particulier les règles du système monétaire international, les grands flux d’échanges et de capitaux, les accords régionaux et les équilibres de populations à l’échelle de la planète.
Trois auteurs dont le directeur de la collection, Pascal Gauchon, aidé de Dominique Hamon et Annie Mauras, présentent un tableau très complet et vivant de La triade dans la nouvelle économie mondiale, concept qui depuis Kenechi Ohmae désigne les trois pôles de l’économie mondiale : États-Unis, CEE, Japon, triangle dont ils décrivent les articulations, les pointes et les relations réciproques. Poids des chiffres : 700 millions d’habitants, 15 % de la population mondiale, la moitié du produit mondial, 60 % du commerce international, 75 % des investissements directs. Ils décrivent surtout chacune des trois économies dominantes de la planète, leurs modes d’organisation, leurs principes directeurs, leur insertion dans l’espace, leurs rapports avec le monde extérieur, forces, faiblesses et principaux défis. Quelques chiffres bien connus résumeront leurs propos. Taux de croissance du PIB différenciés entre 1960 et 1989 : 3,2 % pour les États-Unis, 3,4 pour la CEE, 6,4 pour le Japon, résultat qui correspond à peu près au différentiel des taux d’investissement, 18,2 % du PIB pour les États-Unis, 21,9 % pour la CEE et 31,4 % pour le Japon. Le phénomène de globalisation, certes général, fait encore l’objet d’interprétations divergentes. Aucun ensemble n’est vraiment surclassé, chacun étant doté d’atouts dont sont dépourvus les autres.
Tous ces différents volumes se recoupent, se complètent, entretiennent une sorte de dialogue. Ensemble ils constituent une somme de savoir clairement présentée, sans parti pris, mais non sans un certain enthousiasme de bon aloi. ♦