Les armées africaines (1960-1990)
Le premier intérêt de cette étude est d’échapper aux analyses purement socio-économiques ou d’envisager l’armée en fonction de critères idéologiques autorisant des jugements parfois aberrants. L’auteur immerge constamment son analyse dans la réalité géopolitique de chaque État avec les variantes qui en découlent. Il n’y a pas un seul modèle d’armée en Afrique ; les forces du continent ont vu leurs structures, leur importance, mais aussi leur pouvoir, se modifier au gré des événements qui ont marqué l’histoire de leur pays. Il n’en subsiste pas moins une spécificité militaire toujours mise en évidence. La taille des armées, leur équipement, leur logistique, peuvent varier selon les crises à surmonter et les menaces qui se profilent aux frontières : leur nécessité ne laisse place à aucun doute.
D’autre part, ce livre vient à point nommé pour dresser le bilan des trente dernières années à un moment où les régimes prétoriens tendent à disparaître de la scène politique, sans qu’il soit pour autant assuré que ce mouvement sera irréversible. Trop souvent, lit-on, l’institution militaire s’est sentie brimée ou contrainte à effectuer des tâches qui ne la concernaient pas. C’est pourquoi lorsqu’elle s’est érigée en arbitre ou en rédempteur par un coup d’État, elle obéissait d’abord à un réflexe militaire : « C’est a posteriori qu’elle se donne une vocation politique ». Il convient aussi de souligner que l’armée en Afrique était le seul facteur de cohésion au côté du parti unique. Celui-ci disparaissant, ne disposera-t-elle pas d’un surcroît d’importance ? L’auteur est conscient du problème puisque son prochain ouvrage devrait traiter de l’armée face aux défis démocratiques.
Pour l’heure, l’étude qui nous est livrée examine judicieusement les raisons de l’échec des militaires au pouvoir, de même qu’elle nous éclaire sur les réelles capacités des armées africaines, compte tenu des accords de coopération signés avec l’étranger. En moins de deux cents pages, le lecteur dispose d’un survol précieux de l’évolution des armées africaines, aussi bien en ce qui concerne leur formation que leur rôle. La militarisation du Tiers-Monde fait l’objet de critiques constantes : cette étude contribue à remettre les choses en place sans parti pris idéologique. Il est certain, ajouterons-nous, que le coût des armées a moins pesé sur l’économie des pays que la corruption. Pendant trente ans l’institution militaire en Afrique a eu affaire à des régimes fragiles : qu’en sera-t-il désormais et quelle sera son attitude ? ♦