François Darlan et son destin
Des dizaines de livres ont été consacrées à l’amiral François Darlan (« le meilleur marin que la France ait connu depuis Suffren », selon l’historien anglais Jenkins), personnage intelligent, ambitieux, ambigu, controversé, coresponsable de quelques vilenies qu’il est difficile d’oublier.
Qu’en dit Robert Aron en 1954, page 372 de son Histoire de Vichy : « Deux ans après son arrivée au pouvoir, déchu officiellement de la nationalité française par Pétain, accusé de forfaiture par de Gaulle, Darlan sera honni avec la même véhémence dans tous les camps et parfois en termes identiques : à quelques jours d’intervalle, Georges Suarez dans un quotidien pro-allemand de Paris Aujourd’hui (17 novembre 1942) et François Quilici dans un journal gaulliste d’Alger La Marseillaise (24 novembre 1942) le traitent de « Fregoli de la trahison ». Le 25 décembre 1942, François Darlan tombait sous les balles d’un jeune patriote exalté, Fernand Bonnier de La Chapelle, qui croit ainsi servir la France ».
L’aspirant Bonnier de La Chapelle… Nous, jeunes cadres et hommes de l’AS (Armée secrète), première formation paramilitaire de la Résistance, nous pensions fin 1942 que « l’exécuteur » de l’amiral (fusillé le surlendemain de l’attentat) était un héros… Cinquante ans ont passé : je n’ai pas changé d’avis ; mais ce n’est pas celui de mon ami, le contre-amiral (CR) Bernard Favin-Lévêque, ancien cadre à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), auteur de cet ouvrage préfacé par le vice-amiral d’escadre (CR) Jean Accary, et qui avait déjà publié un autre excellent livre, riche d’expérience et d’aventures, plein d’esprit et de dynamisme : Souvenirs de mer et d’ailleurs en 1990 aux mêmes éditions.
Ce livre-ci est un patient travail de recherches, un recueil de témoignages, complété par divers documents. Il apporte un nouvel éclairage sur la personnalité et l’action de François Darlan. L’amiral Favin-Lévêque se comporte en chaleureux défenseur… sans pour autant me convaincre. Il n’empêche, ce livre est à lire : il éclaire notamment une période difficile, complexe, cruciale de notre histoire : Alger 1942-1943. Peut-être l’auteur entraînera-t-il certains de ses lecteurs ? En tout cas, tous pourront apprécier sa plume, ses connaissances et son enthousiasme d’avocat en faveur d’un homme, peut-être patriote à sa manière, qui joua trop au « florentin » et finit par périr, victime de son propre jeu. ♦