Mékong palace
Il y a, épisodiquement, des périodes « Indochine » : récemment, on a vu sur les écrans « Diên Bien Phu » et… « Indochine » justement. Il se trouve que le livre de Claude Riffaud vient à point évoquer cette marine fluviale qui a œuvré sur le Mékong – et le fleuve Rouge – entre 1945 et 1954, en parfaite symbiose avec nos camarades de l’Armée de terre, et dont on n’a jamais beaucoup parlé – je citerai rapidement : Dinassaut, remarquable, de l’amiral de Brossard ; Le crabe tambour, bien évidemment ; Enseigne dans le delta, très autobiographique, de l’amiral Estival. À vrai dire, dans les couloirs parisiens, on avait initialement un peu honte de cette Marine en kaki, qui n’affrontait pas l’ennemi sur mer mais le long des rivières où la navigation était affaire de flair et d’expérience, et non d’astronomie ! Les équipages, vivant souvent dans des conditions invraisemblables, étaient sans doute destinés à devenir inutilisables dans cette Marine « Otan » – on disait « Nato » avec l’accent – que l’on était en train de constituer. Il n’en fut rien, bien au contraire, et les hommes à qui des responsabilités avaient été confiées alors qu’ils avaient quelque vingt ans montrèrent leurs capacités ultérieurement.
L’ouvrage de Claude Riffaud est un roman et il se lit comme tel, d’une traite. Bien que de « pure fiction », avec des personnages imaginaires, toute une génération de marins reconnaîtra quelques figures « historiques », et puis… se retrouvera dans l’équipage du Ravageur, bâtiment hétéroclite, dont on ne pouvait guère trop parler dans cette bible que sont les Flottes de combat, mais dont l’efficacité dans ce genre de conflit était évidente. On saura gré à l’auteur d’avoir profité de cette aventure pour faire connaître l’Indochine sous toutes ses facettes, les bonnes et les moins bonnes – et même les mauvaises –, sans pour autant aborder les aspects politiques dont les marins d’alors n’avaient que faire. C’est à la lecture d’un tel ouvrage que l’on comprend pourquoi on a aimé, le mot n’est pas trop fort, l’Indochine, même si peu nombreux sont ceux qui ont épousé une « apsara », danseuse khmère descendue des fresques d’Angkor.
Claude Riffaud fait bien évidemment partie de cette génération qui se sent unie par des amitiés et des souvenirs très forts de cette Indochine qui a ensuite sombré dans le malheur et le marxisme, idéologie à cent lieues de la mentalité de ces peuples. Nous pouvons le remercier de nous avoir fait revivre ce que nous avons connu et aimé il y a quarante ans. ♦