Le réveil balte
En un sens, la phase terminale de la dislocation de l’empire soviétique aura commencé par l’indépendance des États baltes. Ce qui est à présent évident – et le sera, probablement, encore davantage pour les historiens de demain – ne l’était assurément pas il y a quelques mois seulement.
Que ne glosait-on alors sur ces petits peuples, courageux certes, mais qui avaient l’impudence de chercher à s’affranchir de la tutelle du Kremlin ; sur le caractère flou et ambigu du « projet balte » ; enfin, sur la crédibilité même du rêve indépendantiste, compte tenu des contraintes de l’histoire et de l’environnement géopolitique.
Toutes ces questions, tous ces doutes se trouvent aujourd’hui comme balayés, un peu hâtivement sans doute. C’est le grand mérite de Pascal Lorot d’en reconstituer la substance et l’articulation logique. C’est le grand intérêt de cet ouvrage de retracer avec méthode un de ces morceaux d’histoire où le monde donne l’impression de bouger de nouveau, mais où l’euphorie ambiante tend à l’emporter sur l’analyse.
Hormis les lieux communs traditionnels, que savons-nous en définitive de la « baltitude » de cet ensemble, hétérogène à bien des égards, de populations authentiquement européennes ? Elles disposent certes d’atouts non négligeables, économiquement et surtout culturellement, mais elles sont, en revanche, confrontées à des défis qu’en toute hypothèse il ne leur sera pas aisé de relever.
Que l’avenir des petites républiques Baltes passe par l’établissement de liens directs avec les États occidentaux mais également avec les nouveaux États issus de l’ex-URSS, chacun en est plus ou moins conscient. La question est de savoir quelles relations dialectiques nouvelles ces entités renaissantes seront à même d’entretenir avec les uns et les autres.
À l’époque où cet ouvrage a été achevé, l’éclatement final de l’empire soviétique n’était pas encore consommé. Néanmoins, l’auteur pressentait clairement que l’accession des républiques Baltes à l’indépendance équivaudrait à ouvrir une boîte de Pandore fatale au système soviétique. On peut gager que le dénouement que nous connaissons aujourd’hui et les incertitudes qui en résultent n’hypothèquent en rien les conclusions de Pascal Lorot sur les risques menaçant Le réveil balte. ♦