Dubeck, un homme pour toutes les saisons
Cette traduction de l’ouvrage paru en 1970 du célèbre journaliste britannique est agrémentée d’une préface et d’un épilogue fournis qui retracent la lente sortie de l’ancien dirigeant du « printemps de Prague » de son exil de Bratislava. Parcours pathétique fut le sien. Conçu à Chicago en 1921, né en Slovaquie, il passa sa jeunesse en Kirghizie et fut éduqué à Gorki où son père, charpentier marxiste, avait mené sa famille pour découvrir les merveilles de l’univers soviétique.
Alexandre Dubcek, baigné d’idéalisme et de conviction internationaliste, devient peu à peu un apparatchik apparemment docile. Premier indice d’un caractère indépendant : il fut le seul dirigeant communiste est-européen à s’être marié à l’Église catholique. Le reste est bien connu : un nouveau séjour en URSS, pour suivre l’École des cadres de 1955 à 1958 ; le retour et l’ascension au pouvoir ; les premiers doutes s’installent en lui à partir de 1963 ; l’économie tchécoslovaque, naguère prospère, atteint la croissance zéro. Il y vit le résultat d’une gestion « bureaucratique et centralisée ». La marche vers le pouvoir, le printemps de Prague, la normalisation, sont clairement retracés. Il sort de sa solitude à partir de 1987 pour louer la perestroïka, « réédition du printemps de 1968 ».
Sa pensée reste comme accrochée au drame de l’été 1968. Harcelé de questions à propos de l’invasion, sa réponse est invariable : « Nous ne pouvions résister. La bataille était perdue d’avance… Oui, c’est vrai que j’espérais le soutien de Kadar et qu’il nous a laissés tomber lamentablement ».
Aujourd’hui figure symbolique, il représente pour la Tchécoslovaquie le moyen de renouer avec son passé et d’effacer vingt et une années de normalisation glacée. Comme l’a dit Vaclav Havel, l’histoire a recommencé en Tchécoslovaquie. ♦