Politique, économie et stratégie dans la guerre du Pacifique (1941-1945) (II)
Faute de forces aéronavales et amphibies, faute aussi, bien qu’à un degré moindre, d’un tonnage de transport et de moyens logistiques suffisants, il avait fallu un an aux Américains pour franchir pas à pas, dans une campagne d’usure interminable, les quelque 250 milles qui séparent Guadalcanal de l’extrémité occidentale de l’archipel de Nouvelle-Géorgie. Dans le Pacifique central, pour les mêmes raisons, aucune opération de grande envergure n’avait eu lieu depuis le coup d’arrêt porté à Midway en juin 1942 à la poussée japonaise. C’est au contraire parce que les instruments d’une offensive décisive commençaient à exister à l’été de 1943, c’est parce que leur accroissement massif était envisagé avant la fin de l’année que les commandants en chef alliés purent fixer dès le mois d’août, dans la conférence de Québec, les lignes essentielles d’une gigantesque entreprise destinée à conduire le général MacArthur au bout de quelque quatorze mois dans les Philippines méridionales, et l’amiral Nimitz vers le printemps de 1945 dans l’archipel des Riu-Kiu, aux portes du Japon.
Opérations combien plus audacieuses que toutes celles qui s’étaient déroulées jusqu’à présent. L’objectif proposé à la première était situé à plus de 2.000 milles des points d’appui avancés de Lae, de Salamaua et des Salomon centrales ; il ne pouvait être atteint qu’après l’occupation ou la neutralisation des positions japonaises de l’archipel Bismarck et de Nouvelle-Guinée, qui en barraient la route d’accès ou la flanquaient. Quant à Nimitz, il avait environ 4.800 milles à parcourir depuis sa base de départ des Hawaï jusqu’aux Riu-Kiu en passant par les étapes des îles Marshall, Carolines et Mariannes qui, elles aussi, devaient être maîtrisées.
Opérations en revanche largement payantes, si elles réussissaient dans le délai qui leur était imparti. Elles assureraient aux Américains le contrôle de la plupart des voies de communication maritimes du Japon, en particulier avec la Chine et avec l’immense empire qu’il venait de conquérir dans le sud-est de l’Asie ; elles leur procureraient, spécialement dans les plus grandes des Riu-Kiu et dans les Philippines, des places d’armes de premier ordre pour le rassemblement des avant-gardes et du gros d’une force d’invasion. Enfin, selon un plan proposé dès la conférence de Québec par le général Arnold, commandant en chef de l’aviation américaine, et approuvé par la suite, des bases aériennes pourraient être établies dans les Mariannes et dans d’autres archipels, d’où des bombardiers lourds attaqueraient au plus tôt la métropole japonaise, détruiraient son industrie, ses ports, ses centres ferroviaires et ses aérodromes.
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