Le débat autour du nucléaire doit également porter sur la volonté de désarmer, tant le risque est grand d’un dérapage dramatique. Cela doit inciter à élargir la dissuasion, quitte à alimenter la controverse.
Penser le désarmement nucléaire
Thoughts on Nuclear Disarmament
The nuclear debate should also consider a will to disarm, so great is the risk of devastating error. It ought to encourage broadening the concept of deterrence, even if that fans the flames of the controversy.
• Mon général, comment êtes-vous devenu défenseur du désarmement nucléaire ? Quelle est plus précisément votre position sur ce sujet ?
À l’origine, rien ne me destinait à défendre une telle position. Lorsque je me suis engagé, à l’époque du général de Gaulle, je partageais la conviction que la dissuasion nucléaire apportait à la France un plus grand degré d’autonomie stratégique et donc d’indépendance dans le contexte de la guerre froide. Il est intéressant de noter que le concept de « dissuasion à la française », né du travail de réflexion stratégique des « quatre généraux » (1), est un processus tout à fait unique et original. Malheureusement, c’était aussi la dernière fois que des militaires eurent une pensée stratégique originale. Depuis, cette pensée stratégique s’est complètement figée chez les militaires, en particulier sur le thème de la dissuasion.
Une fois que le mur de Berlin fut tombé, la question s’est posée de savoir que faire de notre dissuasion nucléaire. Avec la multiplication des acteurs, les nouveaux types de conflit, nous sommes passés de la stratégie du « faible au fort » à la stratégie du « fort au fou ». Comme je l’avais écrit dans plusieurs articles à l’époque, notre doctrine de dissuasion nucléaire est devenue une doctrine de « persuasion » et là, nous tombons dans une logique d’emploi. À partir du moment où l’on commence à envisager des armes nucléaires de plus faible puissance, plus précises, pour atteindre un dictateur dans son bunker par exemple, on est dans l’emploi, plus dans la dissuasion. Le problème, c’est que dans un monde globalisé comme le nôtre, nous sommes incapables d’anticiper les conséquences et les risques d’escalade sont énormes.
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