Les frères ennemis, La péninsule indochinoise après Saigon
Paru un an auparavant sous le titre : Brother Enemy: The War after the War (Harcourt, Brace, Jovanovitch, New York, 1986, 479 pages), ce livre est à la fois passionnant et dramatique. Écrit par un des meilleurs spécialistes de l’Indochine à la Far Eastern Economic Review, Les frères ennemis ne retrace pas seulement les origines historiques de l’invasion du Cambodge par le Vietnam en décembre 1978, et de l’expédition punitive chinoise contre le régime de Hanoï deux mois plus tard. Cet ouvrage offre aussi une analyse stimulante du jeu d’alliances et de conflits « contre nature » et une description poignante des tragédies dont l’Indochine a été le théâtre depuis la chute de Saïgon en 1975.
Tout d’abord, la guerre contre la France, puis contre les États-Unis avait largement occulté les antagonismes séculaires qui opposent les pays de la région. C’est pourquoi, une fois laissés à eux-mêmes, le Cambodge et le Vietnam ont tenté de concrétiser leurs vieux rêves nationalistes. L’un s’est efforcé de reconquérir les frontières de l’ancien empire khmer et l’autre a profité de ces visées expansionnistes pour asseoir son hégémonie sur ce qui constituait autrefois l’Indochine française. De même Hanoï eut beau jeu de dénoncer la volonté de Pékin de rétablir sa suzeraineté sur le Vietnam.
D’autre part, Nayan Chanda montre parfaitement que chacun des acteurs de ce conflit a également agi en fonction de ce qu’il estimait être ses intérêts vitaux. Phnom Penh voulait à tout prix devancer l’inévitable combat avec l’« expansionnisme vietnamien ». Absorbé par ses problèmes intérieurs, Hanoï dut modifier l’ordre de ses priorités et se préoccuper en premier lieu de sa sécurité. Afin d’éviter toute constitution d’une puissante fédération indochinoise sur son flanc Sud, la Chine donna une « leçon » au Vietnam qui ne fit cependant pas plier ce dernier, et fut contrainte de maintenir son appui à des Khmers rouges de plus en plus encombrants.
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