Pour combattre avec de Gaulle
Refuser la défaite, s’évader d’un camp de Poméranie pour gagner Londres par l’Union soviétique et le Spitzberg non sans avoir subi 5 mois de captivité dans les geôles staliniennes, revenir enfin à Paris en libérateur à la tête de l’escadron de protection du général Leclerc : un jeune saint-cyrien frais émoulu en 1939 de l’École de Saumur pouvait-il rêver aventure plus extraordinaire ? Se voir confier par le chef de la France Libre des missions particulières importantes, devenir l’un de ses proches par son mariage, en 1945, avec Élisabeth de Gaulle, c’est là, on en conviendra un destin marqué par une chance insigne ; une chance à laquelle les mérites du jeune officier – son ardeur, son courage, sa ténacité – ne sont pas étrangers.
Ces qualités, le général de Gaulle les avait décelées en l’homme, et elles lui avaient fait dire dès 1943 : « Un jour, vous aurez l’honneur de commander Saint-Cyr », prophétie que le lieutenant de Boissieu accomplira 20 ans plus tard, dans son ascension vers les sommets de la hiérarchie militaire. Au futur chef d’état-major de l’Armée de terre, le général de Gaulle avait dit aussi, un jour de 1946, lors d’une promenade à Marly : « Il faudra écrire vos souvenirs et les publier, car c’est avec le témoignage des exécutants que l’on apprend aux jeunes ce que d’autres jeunes ont fait pour la France ». C’est pour répondre à ce vœu que le général de Boissieu a écrit ce livre, en reprenant ses notes personnelles datant de ces années douloureuses et glorieuses où tant de fils de France, ici et là, répondirent à l’appel de celui qui n’avait jamais douté du relèvement de la patrie.
Témoin privilégié et acteur de ce combat, Alain de Boissieu a été dans la confidence de maints projets du général de Gaulle et de ses jugements. Il peut donc porter témoignage, et c’est ce qui fait l’intérêt de son livre. Que le lecteur, cependant, ne cherche pas ici des révélations. Pas d’éléments nouveaux et qui changeraient l’image que nous avons du personnage historique. C’est plutôt un ensemble de précisions complémentaires. Ainsi en est-il, pour ne prendre qu’un exemple, du dessein formé à Alger dès octobre 1943 par le général de Gaulle de réserver à la 2e DB l’honneur de libérer Paris, un dessein poursuivi avec obstination, le général de Boissieu nous en donne les preuves ; de même les confidences qu’il nous rapporte nous montrent que les mémoires du général sont bien sincères et n’ont pas été arrangées après coup, comme certains critiques malveillants l’ont prétendu.
Fort intéressante est par ailleurs la relation que le jeune commandant de l’escadron de protection de la 2e DB nous donne des combats de cette unité et du style de commandement du général Leclerc, le prestige qu’il acquiert rapidement sur ses hommes en leur insufflant son dynamisme, son esprit manœuvrier, sa volonté de rechercher la faille ennemie et de passer coûte que coûte. Il imprime cette volonté aux commandants de groupements et, tel un nouveau Lassalle, il est lui-même à la pointe du combat, prêt à saisir et à exploiter immédiatement toute occasion favorable.
Qu’il s’agisse des péripéties du combat aux côtés du général Leclerc ou du suspens qu’Alain de Boissieu sait entretenir lorsqu’il nous conte son évasion, son récit a un caractère vivant. Il vaut les meilleurs romans. Cette lecture tonifiante se recommande à tous, et plus particulièrement à nos jeunes camarades entrant aujourd’hui dans la carrière : ils y trouveront de quoi conforter leur foi et exalter leur enthousiasme. ♦