Tito, mon ami, mon ennemi – Biographie critique
Combien étranges et contrastés apparaissent les rapports entre Tito et Djilas, l’un de ses plus fidèles compagnons du temps de la résistance et devenu depuis 1954 le contestataire proscrit. Dans un livre très personnel qui suit de près son témoignage sur la période de la guerre (cf. Milovan Djilas, Une guerre dans la guerre – La révolution de Tito 1941-1945 ; Laffont, 1980). Djilas nous livre un portrait excessivement dur et somme toute bien injuste du maître et créateur de la Yougoslavie contemporaine.
Doit-on déceler de l’amertume, de la dureté ou un quelconque angélisme dans cette biographie qui cherche avant tout à déceler chez le héros ses faiblesses, chez l’homme d’État ses insuffisances, chez le politicien ses travers ? Djilas réduit Tito à une seule dimension : la politique. Il le juge mauvais orateur, indifférent à la littérature et pauvre stratège de surcroît. Il nous le présente avant tout comme un homme animé d’une volonté inextinguible de pouvoir. Né rebelle, Tito s’est épanoui dans la pompe et le luxe. Djilas lui dénie la paternité de l’autogestion et même étrangement du non-alignement.
Pourtant, tout au long de ce portrait aussi peu tendre et déformé. Djilas reste fasciné par son modèle. Il admire la facilité avec laquelle Tito sut toujours transmuer un concept en action. En définitive son bilan apparaît contrasté. Rendons grâce à la Yougoslavie d’aujourd’hui de n’avoir pas idolâtré son créateur. L’homme et l’œuvre apparaissent toujours bien vivants. ♦