The Military Balance 1980-1981
Chaque année en septembre, l’Institut d’études stratégiques de Londres, qui publie par ailleurs le Strategic Survey, les Adelphi Papers et la revue bimensuelle Survival, sort le Military Balance qui est un inventaire méthodique des forces militaires des différents pays du monde, accompagné de renseignements sur les dépenses de Défense, inventaire et renseignements arrêtés en juillet de l’année en cours. Ce document fait actuellement autorité, même quand on en conteste les détails.
Les différentes nations analysées sont regroupées d’une manière qui est en général géographique. Chaque groupe de nations ainsi constitué est précédé d’un commentaire rapide sur les points les plus importants qui ont fait leur apparition depuis l’année précédente. Pour les États-Unis par exemple il s’agit de la modernisation de son arsenal nucléaire stratégique, amélioration de la précision du Minuteman III, le début de la mise en service des missiles mer-sol Trident I, le choix d’un missile de croisière air-sol. Le programme de missiles antimissiles ABM reçoit toujours la même très faible priorité, mais un nouveau système de veille antimissile mer-sol dit Pave Paws est presque terminé, en remplacement d’un système plus ancien. De leur côté, les Soviétiques remplacent le SS-9 par le SS-18 et le SS-11 par le SS-17. Leurs missiles intercontinentaux ont donc maintenant moins de 10 ans d’âge. Les missiles à portée intermédiaire SS-20 remplacent les vieux SS-4, au rythme de un tous les 5 jours, ce qui est plus rapide que précédemment. La modernisation des sous-marins paraît cependant plus lente que ce qui avait été annoncé. Les deux superpuissances voient le nombre total de leurs ogives diminuer, de 364 pour les Américains (réduction du nombre des Polaris et des B-52) et de 16 pour les Soviétiques (passage du sous-marin type Yankee II au type D I), et le chiffre soviétique passera à 6 000 en 1985.
Du point de vue des forces conventionnelles, sont signalés les problèmes de personnel et de pièces de rechange rencontrés par les Américains, leurs efforts de mise sur pied de la Rapid Deployment Force. Du côté soviétique, on relève la mise en service de nouveau missiles tactiques SS-21, SS-22 et SS-23, d’un sous-marin d’attaque à coque en titane et d’un nouveau type de porte-avions. L’opération soviétique en Afghanistan a fait apparaître les difficultés d’emploi de troupes prévues pour une guerre en Europe dans une guerre très particulière. L’hélicoptère paraît y jouer un grand rôle.
L’ouvrage comporte ses annexes habituelles et donne de plus la nouvelle articulation des divisions françaises et chinoises. On voit ainsi, mises en évidence, les difficultés de comparaison d’unités portant le même nom, la division française comportant 7 000 hommes, 148 chars moyens, la division blindée chinoise 9 208 hommes, 301 chars moyens. Une autre annexe, comme chaque année, analyse l’équilibre en Europe des forces classiques, pour en faire apparaître les constantes dont les éléments varient peu. En pratique, l’Alliance atlantique a plus d’hommes que le Pacte de Varsovie (2 860 000 hommes contre 2 612 000 dans l’armée de terre) mais une grande infériorité en chars (1 contre 3), en artillerie (2 700 contre 10 000) et en aviation où le Pacte a toujours eu une très forte défense aérienne. Les variations ont été importantes depuis 1962 avec une forte diminution des forces américaines (de 434 000 à 300 000 hommes) et une importante augmentation des forces soviétiques (26 divisions en 1967, 30 en 1980, chaque division étant d’une taille plus élevée). Le Military Balance n’en conclut pas moins que l’équilibre est tel qu’une agression militaire reste unattractive, en raison de la qualité des matériels et le fait que le théâtre Centre-Europe ne peut être considéré isolément. L’équilibre des forces nucléaires de théâtre fait l’objet d’une dernière annexe avec un tableau séparé. Il fait apparaître que, dans ce domaine également, les comparaisons sont difficiles. Il faut tenir compte non seulement du nombre mais de la qualité, d’où la notion de arriving warheads, autrement dit d’ogives arrivant au but, qui est d’ordre spéculatif. Si on exclut les Poseidon, le Pacte possède un avantage d’environ 3 contre 1, qui tombe à 1,5 contre 1 avec les Poseidon. La tendance signalée l’année dernière s’est accentuée, et s’accentuera encore dans les années prochaines. Si, à des fins de maîtrise des armements, on passe aux missiles de plus de 1 000 kilomètres de portée, l’analyse fait apparaître un avantage de 322 ogives Otan disponibles (sans les Poseidon) contre 1 094 pour le Pacte. La comparaison de ce tableau à celui de l’année dernière montre que l’IISS est d’avis que, sur le plan des forces nucléaires de théâtre, il y a une rapide dégradation de la situation. ♦