Demain les autres
À la lumière de son expérience de médecin et de savant, l’auteur nous livre ses réflexions sur le progrès de la médecine, la révolution scientifique et la destinée de l’humanité.
Il relate d’abord la découverte du rein artificiel puis celle de la greffe du rein. Au rein artificiel, d’un maniement encombrant, succède une machine miniaturisée portable fonctionnant en permanence et dont l’emploi passa au second plan grâce à la greffe du rein d’un cadavre, ou d’un donneur bénévole. À cette découverte et à sa mise au point l’auteur a pris une part capitale. L’auteur souhaite que grâce à un effort d’information les individus soient toujours plus nombreux à consentir à ce qu’un rein soit prélevé, après leur mort, sur leur cadavre. Les travaux sur la transplantation rénale ont permis à nos connaissances d’accomplir d’extraordinaires progrès même dans d’autres domaines que celui de la greffe du rein. À cet égard il ne faut pas se laisser intimider par le reproche d’élitisme, car il est clair que la science, comme toutes les grandes productions de l’esprit, est réservée à une minorité.
Autre reproche qu’on adresse parfois aux médecins : celui de l’acharnement thérapeutique. L’auteur pense que le problème est mal posé. Les centres de réanimation réservés aux grands malades sauvent près de 80 % de ceux-ci. Quant aux malades mourants, l’auteur affirme que les médecins s’efforcent seulement d’apaiser leur fin sans les prolonger. Nous voudrions croire qu’il en est bien toujours ainsi…
L’auteur, fils spirituel de Claude Bernard, s’efforce de bien délimiter le domaine de la méthode scientifique. De la médecine, il écarte les guérisseurs en tous genres, qui ne vivent, selon lui, que de la crédulité publique. Et pourtant il reconnaît que les guérisons obtenues par eux ne sont pas rares. Il ne semble guère avoir plus d’estime pour l’acupuncture, laquelle relèverait de l’autosuggestion et de la méthode Coué. Mais peut-être n’est-ce pas aussi simple, à en juger par exemple d’après les développements consacrés à ce sujet par Alain Peyreffite dans son livre « Quand la Chine s’éveillera ».
Autre limite : si l’on ne peut et ne doit pas arrêter le progrès de la science, du moins le savant devrait-il souligner le risque pour l’homme, de certaines découvertes.
Enfin la science ne doit pas empiéter sur le domaine de la foi et de la métaphysique. Le positivisme est une doctrine bien desséchante. Du moins peut-on affirmer que la science est du domaine de la raison et non de la passion, et qu’il importe de séparer connaissance par l’intelligence et connaissance par le cœur.
En conclusion, Jean Hamburger se penche sur la destinée de l’humanité. Il sait que les civilisations sont mortelles. Les progrès de la science et de la technique provoquent une sorte de ressac. Comme il dit, l’homme d’aujourd’hui massacre, dilapide, pollue, tue, empoisonne et joue à l’apprenti sorcier. De ce naufrage, il forme le vœu que soient du moins sauvés l’esprit scientifique et la passion du respect de la personne.
Tel est ce livre d’une lecture agréable et qui, à partir du récit d’une découverte médicale, nous ouvre de larges horizons. ♦