Stratégies de la guérilla : guerres révolutionnaires et contre-insurrections, anthologie historique de la Longue marche à nos jours
Le sous-titre : Anthologie historique de la Longue marche à nos jours, situe mieux que le titre, malgré son pluriel, l’objet et les limites dans le temps de cet ouvrage important, le premier de cette catégorie édité en langue française, à notre connaissance.
L’auteur, de culture internationale, visiteur impénitent des nations en mal de guerre civile ou révolutionnaire, poète en ses jeunes années mais spécialisé, depuis, dans l’analyse de l’histoire contemporaine sous ses aspects sociopolitiques et militaires, s’efface intelligemment derrière ses auteurs choisis. Une brève et claire introduction, d’une cinquantaine de pages, lui permet de situer les théâtres d’opérations (des 5 continents, seule l’Océanie a échappé jusqu’ici au phénomène), de souligner la multiplicité des cas de figure, la diversité des évolutions et des conclusions, car il n’y a pas que des issues heureuses aux tentatives insurrectionnelles. Une substantielle bibliographie commentée témoigne de son érudition et du sérieux de son travail préparatoire. Curieusement la Russie soviétique et ses satellites sont totalement absents du panorama pourtant très large dans lequel M. Chaliand a opéré sa recherche. C’est dommage, car plus d’un catéchisme révolutionnaire a dû voir le jour depuis 50 ans dans la patrie de Lénine et de Staline qu’il eût été instructif de comparer aux thèses présentées.
Trois parties dans cette Anthologie : la première rassemble une dizaine de « Récits », relations sur le vif d’acteurs ou d’observateurs dont l’accent est parfois pathétique, ou témoignages a posteriori suffisamment concrets pour être pris en considération. En seconde partie, huit « Analyses » de guérillas aux caractéristiques très différentes ; certaines sont lumineuses, d’autres moins convaincantes. Enfin neuf « Théories » nous offrent une bonne sélection de pages dues à des théoriciens confirmés, ou, mieux, à de hauts responsables de guerre révolutionnaire ou de contre-insurrection. Des signatures célèbres nous sont proposées : Ho Chi Minh, Mao, Giap, Amilcar Cabral, et, pour les Français, Trinquier et Lacheroy et l’on y retrouve des formules passées dans l’usage courant… Mais cette dernière partie n’est pas la plus originale, car ses textes sont beaucoup mieux connus que les précédents, dont certains sont, en français, des inédits de valeur. Soulignons-y cependant le ton et les propos très neufs et personnels d’Amilcar Cabral, le champion de l’indépendance de la Guinée-Bissau. Si chacun de ces personnages se livre, peu ou prou, à son autocritique, un seul ne se reconnaît ni fautes ni déboires : Giap !
Aucune base commune véritable n’émerge de ces théories qui puisse servir de modèle stratégique universel à la guérilla. Certes la référence au caractère populaire de celle-ci et à la nécessité d’une idéologie séduisante et cohérente pour la soutenir est générale. Mais c’est là une substance insuffisante pour formuler une stratégie. Sans doute l’équation d’une insurrection comporte-t-elle trop de paramètres et d’inconnues pour qu’une solution unique puisse en être trouvée ? D’autre part, nos « penseurs », toujours influencés par leur propre expérience, négligent souvent l’influence du climat politique et de la situation économique internationaux. Et cela nuit à l’universalité de leurs conclusions.
Sachons gré à Gérard Chaliand de nous offrir cet outil de travail original, objectivement et intelligemment composé. ♦