La lune est pleine d’éléphants verts
Originale dans son objet, riche de témoignages nouveaux et importants, vivante d’exemples tantôt cocasses, tantôt émouvants, parfois tragiques, la contribution de Dominique Decèze à la connaissance de la Seconde guerre mondiale, telle que la vécut la France de l’armistice à la libération, est indiscutablement positive.
Justement sous-titré : Histoire des messages de Radio-Londres à la Résistance française (1942-1944), l’ouvrage présente essentiellement l’aspect humain des liaisons radio réalisées entre la base Angleterre et le champ de bataille France, dont dépendirent absolument l’organisation, le renseignement, l’armement, et en dernier ressort l’engagement de « l’armée de l’intérieur », et de même, en retour, l’information quotidienne, le renseignement parcellaire, le guidage enfin des interventions aériennes ou maritimes sur notre territoire, au bénéfice du commandement allié.
Pour les Français de Londres, partis de rien, la tâche fût lourde sur le plan technique, exigeante dans sa mise en œuvre, plus difficile encore sur le plan politique, aussi longtemps du moins que le général de Gaulle n’eût pas assuré à sa cause le crédit international qu’elle méritait. Tout passait, inévitablement, par un contrôle britannique, et s’ensuivirent des problèmes de textes, de réseaux, d’horaires ou de personnes, qui n’empêchèrent heureusement pas le système adopté d’atteindre un haut niveau d’efficacité.
Pour les Français de France, tout était neuf, des matériels à la discipline d’emploi ; mais, à ces difficultés, la clandestinité, les risques de détection ou de trahison, de ratage d’écoute, d’erreurs d’interprétation ajoutaient une tension souvent dramatique, qui dura 4 ans.
Dominique Decèze évoque aussi d’autres questions souvent posées : qui, par exemple, fût l’initiateur du message personnel ? Des réseaux furent-ils infiltrés par l’ennemi, puis décelés, et devinrent-ils alors l’objet d’un jeu subtil d’intoxication et de contre-intoxication ? Les différents réseaux furent-ils traités sur un pied d’égalité dans l’attribution des moyens ? Enfin il illustre l’incidence des messages relatifs au débarquement du 6 juin par le bref récit de l’action des maquis de Saint-Marcel, de Montbéliard et d’Annonay pendant cette période et du sort qu’ils connurent.
Nous savons bien que la voix de la France libre n’a pas prêché de 1940 à 1944 vers une métropole déserte ou sourde, mais après cette lecture, nous comprenons mieux comment, grâce à ses dizaines de milliers de messages, lancés « en l’air » par-dessus la Manche – messages personnels ou familiaux, messages d’authentification, de mise en garde, d’alerte, d’action, et même messages factices – elle a pu se faire entendre et obéir. ♦