Famille
Ce roman a été publié pour la première fois en Chine en 1931. La traduction qui vient de nous en être donnée permet au lecteur français de mieux saisir, à travers la description de la vie d’une famille chinoise des années 1920, ce qu’était le système familial, féodal et despotique de cette époque.
L’étiquette, les conventions, l’hypocrisie, l’obscurantisme pèsent sur des femmes marquées par le mouvement du 4 mai (1919). Même si dans leur lointain Sechuan l’influence réformiste ou révolutionnaire ne parvient qu’avec peine, les paysans sentent, avec plus ou moins d’intensité selon les ressources de leur caractère, que la société chinoise a commencé une lente mais nécessaire évolution. Ils veulent se dégager de l’empire du clan et participer à ce nouvel élan. Ce roman est un témoignage (presque une autobiographie) d’une période qui peut nous paraître lointaine et qu’un régime marxiste-léniniste, au pouvoir depuis 30 ans, aurait relégué au rang des évocations historiques. Et pourtant ! Il est des habitudes tenaces, comme si l’immensité d’un pays, les difficultés initiales et persistantes d’une économie précaire parvenaient à dresser des obstacles suffisants pour empêcher l’évolution des mentalités. Car les contraintes et les oppositions prennent des formes nouvelles, ou plus simplement renouvelées. Comment ne pas penser, par exemple, aux interdictions prononcées en mars dernier à l’encontre des journaux muraux, en lisant, dans Famille l’avertissement officiel suivant, adressé aux jeunes auteurs des années 1920 : « Les opinions de votre journal, par leur partialité et leur violence, vont à l’encontre de l’ordre et de la sécurité publiques. Nous vous prions de mettre fin immédiatement à cette publication ». Mais il est d’autres constantes que le lecteur relèvera au fil des pages.
La Chine actuelle présente heureusement de multiples différences avec celle du début de ce siècle. Cependant Pakin reconnaissait encore récemment (Le Monde du 18 mai 1979) : « Mon livre n’est pas du tout dépassé et il n’a pas fini d’accomplir sa mission. II doit continuer à jouer un rôle dans la révolution, car le féodalisme existe toujours en Chine. Ou du moins les influences féodales ».
Pakin est considéré à juste titre comme l’un des plus grands romanciers de notre siècle. Son œuvre commence à être connue en France grâce à la publication récente de traductions de ses romans les plus célèbres (Nuit glacée, Gallimard – Le jardin du repos, Laffont). Famille apporte encore, 50 ans après sa première parution, un témoignage précieux, parfois au rythme de la société qu’il décrivait mais toujours avec l’ardeur de la jeunesse de son principal héros. ♦