Napoléon
Parmi les figures de proue, celle de Napoléon a sans doute le plus fasciné l’historien, à en juger par l’abondance de la bibliographie qui lui a été consacrée. Encore que son époque soit l’une des mieux connues, ce sont les aspects politiques et militaires de l’épopée qui nous sont les plus familiers. Nous connaissons moins l’homme.
L’auteur n’a pas voulu écrire une histoire de plus de l’époque napoléonienne. C’est sur la personne de Napoléon, au moins autant que sur les événements qu’il axe son récit. Pour cela il tente de faire un tri parmi les appréciations passionnées et contradictoires des contemporains. Il n’accepte pas sans réserves les écrits laissés par certains mémorialistes, par exemple par les serviteurs de l’Empire qui ont retourné leur veste en 1815 ou qui avaient trahi leur maître. Il se fie davantage à ceux qui se sont refusés à calomnier le grand homme, à ceux qui nous ont laissé des journaux écrits au jour le jour dans le feu de l’action, aux lettres et notes laissées par Napoléon et ses collaborateurs, à certains écrits intimes révélateurs de sa personnalité.
En embrassant la carrière d’officier français, le jeune Napoléon nous apparaît soucieux de sa famille, respectueux des choses de la religion sans être vraiment croyant, doué à la fois pour les sciences et les lettres. Thiers dira de lui que, d’une certaine façon, il fut le premier écrivain de son temps. Ses proclamations, ses discours sont des paroles d’action d’une rare puissance. Grand liseur, imbu d’histoire, admirateur de Jean-Jacques Rousseau, il n’a guère de goût pour l’Ancien régime décadent. Il applaudira à l’œuvre des constituants et à la fin des privilèges. Homme d’ordre et patriote, il sert loyalement le Comité de salut public, puis le Directoire, mais il y met fin, dès son retour d’Égypte, par un coup d’État qui sera suivi de quatre années de féconde reconstruction. Soucieux de la réconciliation des Français, il rétablira la paix religieuse et cherchera à fondre dans le moule impérial les sociétés issues de l’Ancien régime et de la Révolution. Il aspire à la paix, mais la paix générale lui échappera.
Une absence de fanatisme et de méchanceté, une maîtrise insigne de l’art de manier les hommes, un rayonnement extraordinaire, même dans l’adversité, tels sont quelques-uns des traits de cette personnalité, attachante en somme, qui a su imprimer si fortement sa marque et son style à son temps.
Une appréciation négative peut être portée sur certains aspects de la prodigieuse aventure napoléonienne. Dénigrement et calomnies nous paraissent hors de mise en ce qui concerne l’homme lui-même. C’est ce dernier parti qu’a suivi l’auteur dont l’ouvrage est vivant et se lit avec intérêt. ♦