Henri de Bournazel, le Cavalier Rouge
Pour ceux qui appartiennent à ma génération et qui eurent 20 ans en 1933, la mémoire d’Henri de Bournazel – qui donna son nom à ma promotion de St-Cyr – évoque toute une épopée, celle d’un preux, d’un officier au panache extraordinaire, « l’homme à la veste rouge » dont les rebelles marocains prétendaient qu’elle faisait ricocher les balles tirées sur lui. L’élégance, ce grand seigneur du baroud ne la portait pas seulement dans son allure de cavalier et sa tenue impeccable, il l’avait au cœur. Il se voulait le meilleur, en tout le plus méritant.
Trait majeur de son caractère, il assumait pleinement, en même temps que la responsabilité du chef, la pleine acceptation du risque. Responsabilité et risque, ce sont déjà pour lui des maitres-mots en 1916 quand il s’engage, à peine le baccalauréat obtenu. Et lorsqu’il rentre à St-Cyr, c’est déjà avec l’expérience d’un jeune chef qui sait que ses nerfs sont à l’épreuve du feu et qu’il peut avoir confiance dans ses propres forces. Ce n’est pas vaine gloriole de sa part, mais amour de l’action totale qu’il faut vivre pleinement, dût-on y affronter la mort. La plénitude de cet accomplissement, il la trouve au Maroc où, à la tête de ses partisans, il peut se libérer de toute mesquinerie et des tutelles étouffantes de la vie de garnison et se donner pleinement à l’action. Il a de l’ambition – il s’inquiète de savoir quand il sera promu – mais combien d’ambitions ont cette noblesse et savent aussi généreusement payer le prix de la gloire ?
Le portrait que la comtesse Germaine de Bournazel trace ici de son mari, depuis son enfance jusqu’à son accomplissement suprême, n’est pas seulement fait de ses souvenirs mais s’appuie sur des documents de famille, sur la correspondance du héros, ses carnets de route, et sur le témoignage de ses compagnons d’armes – ses amis Jean Vial, le médecin capitaine qui lui ferma les yeux, et le général Maurice Durosoy qui servit avec lui sous les ordres de Lyautey. C’est un portrait émouvant et profondément humain. Le récit du dernier combat d’Henri de Bournazel affrontant la mort en toute lucidité est bouleversant et traduit la magnificence de son âme. Au lieu des « Superman » actuels des bandes dessinées, mythiques et faussement sécurisants, ne pourrait-on pas proposer en modèle à notre jeunesse ce véritable héros, un homme de chair et de sang avec tous ses défauts mais aussi toute sa grandeur, son allant et sa foi dans sa mission ? ♦