De l’incompétence militaire
Certains lecteurs qui auraient déjà lu, ou feuilleté, l’ouvrage de Norman F. Dixon s’étonneront peut-être que Défense Nationale lui fasse une place dans sa rubrique bibliographique. Car, le livre est à bien des égards déplaisant, que ce soit par son parti pris de dénigrement d’opinions qui paraissaient cependant solidement fondées, ou par son interprétation systématiquement malveillante de certains épisodes de l’histoire militaire récente, ou encore par un ton de persiflage visant à discréditer l’institution militaire jusque dans ce qu’elle a de moins contestable.
Personnellement, nous pensons cependant que le texte de Norman F. Dixon, surtout dans ses deux dernières parties, peut être lu autrement. Il convient pour cela de faire d’abord abstraction de l’humour (britannique ?) lourdaud, qui s’affadit encore à la traduction, dont l’auteur fait un usage abusif et maladroit. Il est ensuite nécessaire – difficulté qui n’est pas insurmontable – de transposer en langage courant les termes passablement ésotériques que l’auteur emprunte à la psychopathologie humaine dont il est un très éminent spécialiste. Enfin, il faut ne pas se montrer trop pointilleux quant aux lacunes de l’érudition historique de l’auteur, parce qu’elles ne nuisent pas, tout compte fait, à la qualité des raisonnements. Ceux-ci s’appuient d’ailleurs avant tout sur l’étude du comportement de chefs militaires anglais.
Une fois adoptée cette approche, l’ouvrage de Norman F. Dixon permet toute une série de réflexions très intéressantes sur les traits de personnalité des grands capitaines, susceptibles d’expliquer leur succès ou leurs échecs. Ces genres d’analyses ont souvent été faits dans le cas particulier de tel ou tel responsable militaire et dans des circonstances bien déterminées. Mais l’on a rarement cherché, croyons-nous, à faire, systématiquement, avec toute la rigueur scientifique souhaitable, des rapprochements permettant de dégager des lois générales. Certes ! nous savons bien qu’en matière de sciences humaines, et de psychologie en particulier, les lois générales ne sont souvent que de toutes premières approximations qui ne rendent compte que de certains aspects de la réalité. Néanmoins, la tentative de Norman F. Dixon mérite considération et apparaîtra comme sérieuse et honnête aux lecteurs qui voudront bien ne pas lui tenir rigueur de ses foucades. ♦