Faut-il abandonner les DOM ?
En dépit du titre à l’énoncé quelque peu provocant il ne s’agit en rien d’un livre de polémique. La personnalité et la carrière de l’auteur ne l’inclinaient guère à ajouter une pièce supplémentaire à un dossier qui a déjà donné lieu aux plus mauvaises controverses. Ancien Secrétaire général des DOM, Jean-Emile Vie ne verse pas pour autant dans le conformisme. La fonction n’abolit pas l’esprit critique, nous nous en rendons bien compte en maints endroits à la lecture de ces pages.
À celui qui connaît assez peu ce sujet, voici un livre qui apportera l’essentiel : les tribulations historiques, l’évolution des institutions, l’organisation sociale et le progrès économique. Tout est rappelé avec clarté, mais si, pour la partie économique, l’auteur ne craint pas de citer des statistiques, on regrettera l’absence de certains textes officiels, fût-ce en annexe, pour mieux compléter la documentation du lecteur en ce qui concerne le statut juridique des DOM.
Jean-Emile Vié accorde peu d’attention aux thèses autonomistes. Il lui suffit de noter à quel point les regards des populations locales sont tournés vers Paris. Malgré certains aléas, le bilan de l’action gouvernementale dans les DOM s’avère nettement positif et la départementalisation est un succès, comparé aux difficultés de l’autonomie interne des TOM. De plus, les DOM constituent, au large du continent américain et au sud de l’océan Indien, « des bases de rayonnement de la langue, de la culture et de l’influence française ». Ne négligeons pas pour autant les perspectives économiques : « le nouveau droit de la mer avec la limite des eaux territoriales fixées à 200 milles rend ces départements plus intéressants par les possibilités offertes à la pêche ». Autant de facteurs qui justifient une poursuite de la politique gouvernementale en la matière. On lira avec intérêt à ce propos le chapitre consacré à Mayotte : il est sans doute le meilleur témoignage des sentiments de l’auteur et n’irritera que ceux dont le penchant est de favoriser les menées antinationales partout où elles peuvent surgir.
Il est aussi question dans ce livre des territoires marginaux comme les îles de souveraineté française au large de Madagascar : Tromelin, les Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India. Des îlots revendiqués par Antananarivo et l’île Maurice, des îlots dépourvus de populations et de ressources mais d’un intérêt stratégique évident. « À un moment où le ravitaillement en pétrole a dans le monde l’importance que l’on sait, surtout pour un pays comme le nôtre, largement tributaire de ses importations et où l’une des principales routes maritimes passe le long de la côte orientale de l’Afrique australe, il peut devenir précieux de conserver ces points d’appui permettant de surveiller et éventuellement protéger la circulation de nos tankers ».
Là comme ailleurs, dans les DOM, la présence française assure « un équilibre à peu près stable, notre départ ne manquerait pas de susciter de nouvelles compétitions. Nos départements d’outre-mer deviendraient, en raison de leur situation stratégique, un enjeu pour les grandes puissances ». Pour Jean-Émile Vie l’intérêt de la France n’est donc pas seul en cause et « la communauté internationale elle-même n’a aucun intérêt réel à un désengagement français ».
Faut-il abandonner les DOM ? La question était dans le titre, elle est tranchée dans la conclusion. ♦