La Droite révolutionnaire 1885-1914. Les origines françaises du fascisme
L’auteur est directeur du Département de Science Politique à l’Université de Jérusalem. Il nous donne ici un développement des recherches entreprises initialement à l’occasion de sa thèse sur Maurice Barrés et le nationalisme français, parue en 1973. L’intérêt pour l’histoire de la droite est original dans l’historiographie française, comme le fait remarquer l’auteur : « Plus encore peut-être que celle pratiquée outre-Rhin ou outre-Manche, l’historiographie française aime à donner raison aux vainqueurs et leur consacrer l’ensemble de ses efforts. Il n’y a, en France, aucune commune mesure entre la quantité et la qualité des travaux consacrés depuis le début du siècle à la gauche et ceux qui ont pour objet la droite ».
D’ailleurs, l’étude de la droite à cette époque s’impose : « Paris est alors sans aucun doute possible la capitale spirituelle de la droite européenne. Paris et non pas Berlin où se forge, au contraire, l’orthodoxie marxiste, où domine une puissante social-démocratie et vers qui se tournent les marxistes du monde entier… En effet, de tous les nouveaux courants de pensée, de toutes les écoles et de tous les systèmes, dont le marxisme qui a le moins rapidement ou le moins profondément pénétré en France ».
L’ouvrage passe en revue le foisonnement des mouvements de droite : du boulangisme, en passant par l’antisémitisme de Drumont et les syndicats jaunes de Biétry, pour aboutir au socialisme nationaliste de Maurice Barrés. L’auteur montre que cette droite n’est pas seulement active par l’importance de son idéologie, mais aussi par son audience populaire. Cet impact amène l’auteur à qualifier cette droite de « révolutionnaire ». L’expression ne manquera pas de surprendre : Zeev Sternhell la justifie ainsi : « En réponse à l’agitation nationalisme et antisémite… le socialisme français s’instaure en gardien de la démocratie libérale… le mouvement ouvrier français cesse d’être un facteur révolutionnaire ». Dans ces conditions, la droite et l’extrême gauche peuvent apparaître comme les seuls éléments opposés à l’ordre bourgeois. La droite est révolutionnaire car elle se conçoit comme l’antithèse du libéralisme et de l’individualisme et poursuit comme objectif l’intégration du prolétariat. Le livre de Zeev Sternhell éclaire ainsi singulièrement le fascisme français tel qu’il s’est développé dans les années 1930 et pendant la Seconde Guerre mondiale. Alors qu’on avait l’habitude de présenter le fascisme français comme un accident historique développé dans les circonstances particulières de l’occupation nazie, l’auteur montre l’enracinement et l’impact de cette droite dans la vie politique et l’opinion publique française depuis les années 1880. Barrés et Biétry ont donc préparé le terrain pour Déat et Doriot.
Cet ouvrage important apparaît comme un jalon dans l’historiographie de la droite française. ♦