Sicherheispolitik vor neuen Aufgaben
Ce recueil de textes de dix auteurs, de formations très diverses, fait de nouveau regretter la relative pauvreté des moyens de la recherche universitaire française dans le domaine de la défense. Ainsi, ce véritable manuel est le troisième de la série publiée par l’Institut de recherches de l’Association de politique étrangère ouest-allemande en l’espace de trois ans. Le présent ouvrage, fruit d’un travail interdisciplinaire auquel ont participé des militaires (d’active et en retraite), des juristes, des pédagogues, des journalistes et des économistes, se propose d’examiner les changements intervenus, depuis le début des années 70, dans le domaine de la « politique de sécurité ».
Le terme même, très courant dans les langues allemande et anglaise, n’est pas vraiment entré dans le vocabulaire français, et encore moins dans la pensée française, qui est restée aux trois « d » – défense, dissuasion, désarmement – et qui ne réussit pas toujours à faire la synthèse entre ces différents éléments d’un même problème.
Dans une optique purement allemande, comme c’est le cas ici, l’interdépendance de ces trois facteurs est acceptée beaucoup plus facilement. Le choix des contributions reflète d’ailleurs très fidèlement les préoccupations des milieux informés en République fédérale (RFA) : d’une part, une très large place est consacrée aux problèmes de la maîtrise des armements ; l’Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) d’Helsinki et notamment les mesures pour accroître la confiance entre les deux alliances, et l’état des négociations de Vienne sur la réduction mutuelle (et équilibrée) des forces et des armements en Europe centrale (MBFR) et, d’autre part, l’hypothèse d’école d’une guerre conventionnelle, respectivement d’une « guerre éclair » sur le seul territoire européen qui est traitée par quatre auteurs (voir spécialement l’étude très détaillée du général von Kielmanseg, ancien commandant en chef du secteur Centre-Europe de l’Otan). De même la controverse actuelle entre experts ouest-allemands sur les possibilités d’emploi de la puissance militaire (conventionnelle) à des fins de pressions politiques, controverse qui trouve un écho dans plusieurs contributions.
Signalons aussi l’étude très instructive du professeur Forndran sur la dynamique de la course aux armements et notamment son analyse des nouvelles armes de précision (PCM) et de leurs applications opérationnelles.
La sécurité, au sens allemand, comprenant aussi la politique, la psychologie et l’économie, il n’est pas étonnant de trouver dans cet ouvrage un chapitre, très utile et original d’ailleurs, sur l’information, ou plutôt le manque d’information de l’opinion publique, un autre chapitre sur les aspects économiques de la sécurité (entre autres, sur la dépendance occidentale pour ce qui est des matières premières et de l’énergie) et sur le phénomène du terrorisme international. Ce qui frappe dans ce recueil de textes, c’est la perception « eurocentrique » des problèmes de la sécurité dont l’aspect global n’apparaît que dans les trois derniers chapitres non-militaires. Dans sa conclusion, un des éditeurs, M. Karl Kaiser, souligne à juste titre que la sécurité de la RFA ne peut pas se concevoir dans le seul contexte national ou même d’alliance, mais qu’elle dépend aussi de l’évolution de la détente, et donc des rapports Est-Ouest.
En faisant ressortir la place particulière de la RFA, c’est-à-dire sa position géographique exposée, son poids constamment accru par rapport aux voisins de la Communauté économique européenne (CEE), et enfin sa servitude juridique à l’égard du quadripartisme et de la responsabilité des trois puissances occidentales et notamment les États-Unis, il met une fois de plus l’accent sur le dilemme de Bonn d’avoir à assurer à la fois le bon fonctionnement de l’alliance avec l’Amérique et le progrès de la construction européenne. Pour beaucoup, ce dilemme revêt plutôt la forme d’une contradiction fondamentale et irréductible. Quoi qu’il en soit, la lecture de cet ouvrage extrêmement utile et qui informe très bien sur l’état de la question au niveau « académique » en RFA, révèle de nouveau, s’il en était besoin, combien cette discussion est différente de celle qui, avec beaucoup moins de vigueur et surtout moins de moyens matériels, se déroule en France sur les véritables dimensions d’une politique de sécurité. ♦