Le 1er Bataillon de Choc
Dans ce livre au style alerte, l’auteur, lycéen en 1940, aspirant en 1943, qui rallia en fraude le Bataillon de Choc, relate la création et l’utilisation de cette célèbre unité dans les combats de la deuxième guerre mondiale.
Le recrutement est hétéroclite : « Une mystérieuse migration amène ici de drôles de militaires, aucun n’étant de la même arme que l’autre ». Ici, c’est Staouéli, près d’Alger, où convergent et vivent des hommes venant d’horizons différents : des gaullistes farouches côtoient des pétainistes impénitents, des communistes fervents voisinent avec des anciens de l’Action Française. Cette désunion dans les idées aurait pu être un gros inconvénient ; elle se transforme en atout : « Que leur importe au fond : le bataillon devient rapidement le seul parti acceptable puisqu’il est au service de la France ».
Quelle est la physionomie de ce bataillon ? Les soldats ont une moyenne d’âge de 22 ans. Ils s’habillent avec de drôles de tenues, et la nuit « ils tirent dans tous les sens avec des armes bizarres ». Tels sont les entraînements nocturnes vus par un indigène.
Un chef inattendu préside aux destinées de ce bataillon : F. Gambiez, « Le geste mesuré, l’œil candide derrière des lunettes rondes, il fait penser à un prélat égaré chez les commandos ».
À cette présentation statique, succède un tableau dynamique. En septembre 1943, première mission : la Corse. De ce fait, les « Chocs » sont la première unité française à fouler le sol national.
Mais le livre fait aussi sa part à l’anecdote. Ainsi, de toute une série de hauts faits, se détache, amusante, l’histoire de l’interrogatoire du lieutenant Arguillière qui impressionne l’officier allemand qui l’a capturé. Grâce à un mensonge et à beaucoup d’aplomb, il sera libéré. L’audace a payé.
Puis les missions en France amènent les « Chocs » de Toulon à Grenoble et à Belfort et, de là, dans tout le nord-est de la France. Le bataillon finit par franchir le Rhin le 2 avril 1945, avec « au cœur la rage d’y arriver aussi tard ». Après Sigmaringen, l’Autriche constitue le terme de l’aventure.
Une utile chronologie en fin de livre évite au lecteur de se perdre dans les innombrables événements de cette épopée. Des cartes sur les opérations du bataillon jalonnent le livre, matérialisant ainsi les itinéraires du sacrifice. Enfin, une iconographie porte à la connaissance du lecteur les visages de quelques-uns des acteurs de ce bataillon, né des Services spéciaux, mais qui n’a que rarement été utilisé selon sa vocation première. Il lui faudra attendre la guerre d’Algérie pour revenir aux Services spéciaux.
Laissons Raymond Muelle conclure lui-même : « Le Premier Choc avait vu le jour dans les déchirements de 1943. Il disparut vingt ans plus tard dans d’autres déchirements ». ♦