The Soviet Theater Nuclear Offensive
Cette courte étude fait la synthèse de la littérature soviétique sur les problèmes militaires en Europe. Cette littérature est accessible aux États-Unis grâce aux traductions publiées, sous les auspices de l’US Air Force, dans une collection intitulée « La pensée militaire en Union soviétique », et dont le premier volume paru en 1973 est le livre du colonel Sidorenko : L’offensive.
En fait, ce travail déborde largement le cadre que laisserait prévoir son titre. Il commence par un chapitre analysant la conception soviétique de la pensée militaire décomposée en doctrine, science et art militaire, ce dernier se subdivisant en stratégie, art opérationnel et tactique. Il passe ensuite en revue les thèmes majeurs : le changement révolutionnaire introduit par les armes nucléaires, l’importance de la surprise et de la frappe en premier, l’environnement du champ de bataille, la perception de la menace constituée par les forces américaines et occidentales. Il analyse la conception soviétique des opérations de l’armée de terre, en insistant sur l’importance de la frappe nucléaire initiale qui doit être décisive, les autres moyens n’étant là que pour exploiter rapidement les résultats, en même temps qu’est conduite une véritable manœuvre des frappes nucléaires suivantes. Toutes doivent être appliquées dans la profondeur entière du dispositif ennemi en vue de détruire ses moyens nucléaires et ses concentrations de troupes ; il s’agit d’isoler le champ de bataille et faire une brèche dans la ligne de défense principale. Tous les moyens doivent être coordonnés, en raison en particulier de l’interpénétration des forces armées ennemies : c’est pourquoi une frappe nucléaire n’est jamais envisagée à proximité d’une unité amie. Il convient d’employer les moyens nucléaires et les moyens conventionnels dans une stratégie opérationnelle (au sens français du terme) de caractère unique à laquelle doivent concourir les moyens aériens d’assaut et les troupes parachutées.
Un chapitre traite des conditions à satisfaire dans la mise en œuvre d’une telle stratégie : renseignement, désignation des objectifs, rapidité d’exploitation des frappes nucléaires, exercice du commandement, décentralisation des responsabilités. Le dernier chapitre étudie les problèmes de l’escalade menant à une guerre nucléaire totale, ainsi que ceux que poserait une guerre conventionnelle, en particulier les difficultés d’un double entraînement réservant la possibilité d’agir soit en nucléaire soit en conventionnel. Il semble cependant que l’insistance mise par les Soviétiques sur le combat conventionnel ne vise pas l’ensemble des opérations en Europe, mais des actions particulières où les armes nucléaires ne pourraient être utilisées, par exemple dans des opérations extérieures au théâtre européen. On ne peut en tout cas en déduire une volonté soviétique de n’attaquer que par moyens conventionnels.
L’auteur en conclut que les Soviétiques n’envisagent pas de scénario précis du déclenchement des hostilités, mais se constituent une base théorique qu’ils appliqueraient de manière très pragmatique le moment venu. On y retrouve l’importance de l’attaque préventive, des frappes massives en profondeur et de la surprise. Les buts politiques ne sont jamais perdus de vue, et le contrôle des armes nucléaires est gardé au sommet.
Tel est le contenu de ce petit livre qui intéressera tous ceux qui déplorent l’absence de documentation sur la doctrine militaire soviétique. La littérature militaire est si largement répandue en Union Soviétique qu’il ne saurait être question, comme certains l’ont prétendu, d’y chercher une intention « d’intoxication » visant l’Occident mais, de toute évidence, elle révèle une volonté d’endoctrinement des citoyens qui peuvent être appelés du jour au lendemain à porter les armes. Ce qui est frappant dans ce livre, c’est qu’en URSS on n’hésite pas à envisager la bataille nucléaire. ♦