Les négociations secrètes de Henry Kissinger au Proche-Orient
Matti Golan, journaliste israélien, collaborateur du Haaretz où il traite les questions diplomatiques et militaires, a « couvert » pour ce journal les négociations israélo-arabes qui ont suivi la guerre du Kippour. On se souvient du rôle joué dans ces négociations par Henry Kissinger et de la célèbre diplomatie « des petits pas » qu’il avait inaugurée à cette occasion.
Matti Golan aurait eu entre les mains un certain nombre de documents ultrasecrets, d’origine israélienne, ayant trait à cette période. Ils lui avaient été communiqués, laisse-t-il entendre, par un personnage très proche du gouvernement, mais en désaccord avec sa politique. Si tel était bien le cas, Matti Golan a dû épouser la thèse de son informateur car c’est sans la moindre indulgence pour les hommes politiques israéliens qu’il décrit le déroulement des conversations menées, par Kissinger interposé, entre le gouvernement de Jérusalem et ses voisins. Mais la cible principale de son ouvrage est le Docteur Henry Kissinger lui-même. Les qualificatifs, peu diplomatiques, de fourbe et d’hypocrite sont parmi les plus modérés qu’il lui applique. Il le soupçonne presque « d’avoir vendu » (au figuré, bien entendu) Israël aux Arabes pour obtenir de ceux-ci un changement de leur attitude vis-à-vis des États-Unis. Et il lui donne l’estocade en citant la dernière conversation du secrétaire d’État avec M. Rabin. « … maintenant que vous connaissez les difficultés du système de négociation par va-et-vient, aurait dit ce dernier, peut-être accepterez-vous qu’Israël et les États arabes négocient directement dans l’avenir ». Et Matti Golan ajoute : « Tel était le désir le plus profond d’Israël. Et la diplomatie à petits pas de Henry Kissinger eut pour unique conséquence certaine d’en empêcher la réalisation ».
Ceci dit, nous ne pensons pas nous tromper en disant que l’ouvrage de Matti Golan passionnera même ceux des lecteurs qui ne sont pas particulièrement sensibilisés aux problèmes nationaux israéliens. Car il est très habilement fait. Que l’auteur ait réellement entendu de ses propres oreilles les conversations qu’il rapporte, qu’on lui ait fait ou non à lui-même les confidences dont il fait état, il réussit à nous faire croire qu’il s’est constamment trouvé partout, et mieux, dans la peau même de tous les personnages. Son récit est à proprement parler enchanteur par l’illusion de véracité et d’authenticité qu’il crée, particulièrement dans le domaine de la psychologie des différents acteurs. Il faut beaucoup de talent pour être aussi convaincant.
Bien entendu, les historiens de l’avenir présenteront de ces événements un tableau sans doute très différent. Mais cette première esquisse, crayonnée à la va-vite pour satisfaire aux exigences de l’actualité, reste très évocatrice, comme l’est souvent le dessin sur le papier qui préfigure l’huile sur la toile. ♦