Homme de guerre
Autant de mémorialistes – autant de façons de « se raconter », ou de raconter les événements dont l’on a été le témoin. Le général Guillaume a choisi la méthode la plus simple et la plus directe de l’exposé impersonnel, où l’on ne prend pas parti, où l’on ne cherche pas à découvrir les motivations des uns ou des autres, ni à apprécier les conséquences d’une décision ou d’une politique. Celle, en un mot, qui évite de livrer le fond de sa pensée et laisse au lecteur le soin de se faire une opinion.
Cette méthode a, certes, des avantages. Elle sera appréciée de ceux qui sont à la recherche d’un fait précis, d’une date, d’un recoupement. Pour juger avec objectivité d’une époque, ne faut-il pas d’abord rassembler des fiches, établir des éphémérides ? C’est entendu ! répondront d’autres, mais ce n’est pas ainsi que vous reconstituerez une ambiance, un climat, la « couleur du temps », c’est-à-dire tous ces impondérables qui font que l’histoire véritable n’est pas celle des manuels scolaires. Que saurions-nous de vrai sur la cour de Louis XIV si Saint-Simon s’était borné à dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ?
Les mémoires du général Guillaume nous mettent au cœur de ce débat. Chacun tranchera suivant ses préférences. Les uns seront heureux de conserver dans leur bibliothèque un ouvrage de référence, consciencieux, précis, documenté et honnête. Les autres pesteront de ne pas apprendre ce que le Résident Général au Maroc de 1953 pensait réellement en son for intérieur, de la déposition du Sultan Sidi Mohammed V.
Ceci dit, ne compliquons pas trop les choses. Le général Guillaume s’est voulu « Homme de guerre ». Il l’a été pleinement et avec passion, à une époque riche en aventures guerrières. En refusant, à une époque plus plate, de se muer en intellectuel philosophe, il est resté fidèle au rythme intérieur qui a dominé sa vie. Ses mémoires, de ce point de vue, sont exemplaires. ♦