Sainte-Hélène
La partie la plus émouvante de la vie de Napoléon est bien celle qui a trait à la période 1815-1821 : le départ pour Sainte-Hélène, la dure captivité et la mort, après une lente agonie, sur un rocher perdu au milieu de l’Atlantique.
Nous n’entrerons pas dans le détail de cet ouvrage, instrument de travail et de documentation, en même temps que livre de lecture et de réflexion.
Le baron Thiry a raconté simplement et honnêtement les faits sans vouloir juger la conduite des uns et des autres, mais la dévotion qu’il conserve à la mémoire de l’empereur apparaît dans chacune de ses lignes. Les basses intrigues, qui se déroulent autour de Napoléon, les mesquines préoccupations matérielles, les abandons successifs des fidèles, les espoirs de fuite un instant caressés et bien vite dissipés, les tentatives de résistance à la tyrannie de Lowe, les brusques abattements, enfin les derniers moments avant la mort libératrice, tout contribue, semble-t-il, dans une atmosphère de grisaille et de spleen, à rehausser encore cette grande figure de l’histoire.
Le grand mérite de cette publication vient de ce qu’elle n’est pas une transcription commentée d’ouvrages contemporains, mais avant tout un livre d’histoire, qui nous permet d’entrevoir la force créatrice de l’empereur, à la fois originale et traditionnelle, nourrie de bon sens plus que de théories. On découvre sa puissance de travail illimitée, qu’il s’agisse de questions de la plus haute importance ou de tâches minimes : enfin, sa lucidité sans défaillance dans ses intuitions et ses anticipations souvent géniales.
D’un intérêt constant, ce livre nous aide à mieux comprendre la psychologie de Napoléon en nous proposant ses réflexions sur les grands problèmes de politique intérieure et extérieure, sur les campagnes de son règne et sur les fidélités, dont quelques-unes furent indéfectibles et d’autres fugaces.
L’auteur a voulu montrer qu’on s’est souvent trompé en présentant l’Empereur sous cet aspect si sévère et il s’est plu à faire ressortir, par quelques exemples bien choisis, sa gaieté, son esprit et son humour. Cet ouvrage est écrit avec clarté et maîtrise et sa très abondante bibliographie atteste la solidité et le sérieux des bases sur lesquelles il s’est appuyé : étonnamment vivant, rempli de faits et d’anecdotes significatives, écrit avec flamme et ardeur, au récit très fidèle, il tient constamment en éveil l’intérêt du lecteur. Sur la période, tant de fois étudiée, on apprend en le parcourant quelque chose de nouveau. Et ce n’est certes pas là un mince éloge à faire à un historien de Napoléon. ♦