On Watch: a Memoir
L’amiral Elmo R. Zumwalt a occupé les fonctions de Chief of Naval Opérations (CNO) du 1er juillet 1970 au 1er juillet 1974, poste équivalent à celui de chef d’état-major dans notre marine. Il a publié, au milieu de l’année dernière, un livre intitulé On Watch [De Quart], ce quart étant celui assuré pendant ses quatre années de CNO.
Venant d’une personnalité très fortement controversée dans la communauté maritime américaine et qui n’a pas fini de faire parler d’elle, ce livre intéresse d’abord les marins, mais pas seulement ceux-ci car il traite des moyens employés pour franchir une période difficile, celle de la fin de la guerre du Vietnam, de la suppression de la conscription (en juillet 1973) et qui vit l’éclosion d’incidents graves, raciaux, entre autres, comme ceux qui se produisirent sur le porte-avions Constellation. On sait que l’amiral Zumwalt a mené, à l’époque, une politique d’action directe, par messages adressés à tous (les Z Grams), qui a fortement libéralisé la discipline américaine (cheveux longs, port de la tenue civile à terre…). Beaucoup plus intéressant, cependant, a été l’effort mené par Zumwalt pour résoudre des problèmes que nous aussi connaissons aujourd’hui, celui d’une part de l’équilibre entre l’armement nucléaire et l’armement conventionnel, et d’autre part celui de l’équilibre entre un matériel à hautes performances, donc cher et en petit nombre, et un matériel simple et en grand nombre. Dans ce dernier domaine, appelé en anglais High-Low, il s’est heurté à la puissance quasi féodale de l’amiral Rikover, père de la propulsion nucléaire américaine, dont on connaît l’influence sur le président Carter, lui-même ancien sous-marinier nucléaire.
Comme CNO, l’amiral Zumwalt a été aussi membre du Joint Chiefs of Staff, organisme collégial qui, dans le système américain, a en grande partie les mêmes fonctions que notre état-major des armées. Il lui est arrivé, dans des circonstances délicates, d’en être le président par intérim, en l’absence du titulaire, l’amiral Moorer. De toute façon, ses fonctions de CNO faisaient de lui le conseiller naval du Président. Il a été ainsi en contact quasi permanent avec l’entourage présidentiel, dont la personnalité la plus marquante était le docteur Henry Kissinger, à une époque qui fut à la fois celle des accords SALT et celle de l’affaire du Watergate. Ce qu’il raconte est proprement « inouï » tant par les faits qu’il signale que par la liberté avec laquelle il révèle comment ont été prises un certain nombre de décisions graves, comme la mise en alerte des forces stratégiques pendant la guerre d’octobre 1973 et la façon dont il fait étal de documents hautement confidentiels comme les mémorandums de décision du Conseil national de sécurité. Les jugements portés sur les personnes, sur M. Kissinger lui-même, sur l’Administration Nixon dans les derniers mois, sont d’une terrible dureté.
Bien des appréciations qu’il porte apparaîtront comme des règlements de compte et la personnalité de l’amiral Zumwalt n’y gagnera pas une image très brillante. Mais tous ceux qui s’intéressent aux problèmes stratégiques, et en particulier à la stratégie nucléaire, voudront lire ce livre dont l’auteur a été placé à la source même de l’information à des moments importants de l’histoire des relations américano-soviétiques. ♦