Chine. La Révolution culturelle
Les livres de René Dumont ne nous laissent jamais indifférents. Observateur attentif, servi par une longue expérience des pays du Tiers-Monde, l’auteur nous livre ses observations et ses réflexions, résultats d’un nouveau voyage en Chine en 1975 au cours duquel il a pu visiter 18 communes populaires. Il a effectué ce nouveau périple comme nous invitait à le faire Etiemble : « ni à travers l’écran communiste, ni à travers l’écran capitaliste, mais d’un œil nu, d’un esprit toujours en éveil, toujours prêt à comprendre afin de ne louer, de ne blâmer qu’à bon escient ».
Le phénomène nouveau, essentiel, et le plus remarquable noté au cours de cette sixième enquête en Chine est le progrès important réalisé dans la maîtrise de l’essor démographique. Bien que les chiffres recueillis ne concernent que des collectivités restreintes (et choisies par les Chinois) ils confirment cependant d’autres données plus globales. Si cette rapide baisse de la natalité se confirmait elle renforcerait par ses effets d’autres progrès dans le domaine agricole, complétés par l’effort d’investissement industriel au niveau des districts, « harmonieusement réfléchi et développé », l’amélioration sensible de l’état sanitaire des campagnes et l’élévation du niveau d’éducation. À travers toutes ses observations, René Dumont reste frappé par l’importance du labeur humain, le peu de soin pour économiser la peine des hommes et ceci malgré une surabondance de main-d’œuvre sur une terre rare.
Mais l’auteur ne s’arrête pas là et, comparant ce qui lui apparaît comparable, constate « que la Chine est belle vue du Bangladesh » dont la situation actuelle rappelle singulièrement celle de la Chine d’avant 1949 : usure, métayage, loyers abusifs, fonctionnaires corrompus, commerçants spéculateurs. Il ne s’agit nullement de « photocopier » l’expérience chinoise : chaque pays du Tiers-Monde, à travers d’inévitables périodes d’épreuves, doit rechercher son propre modèle de développement en tenant compte de ses caractéristiques naturelles, historiques, sociales, etc.
Le modèle chinois quant à lui n’est pas exempt de critiques. Des inégalités nombreuses subsistent encore, notamment entre les villes et les campagnes, non seulement dans les revenus mais aussi pour le pouvoir et le savoir, les paysans restant subordonnés aux minorités privilégiées citadines du pouvoir.
Le spécialiste restera un peu sur sa faim, malgré de nombreuses et intéressantes données. Mais ce nouveau livre est très précieux car il apporte des éléments de réflexion, sans passion et avec la sympathie nécessaire à la compréhension. On ne saurait négliger ce témoignage en cette période de transition et de recherche que connaît la Chine actuellement. ♦