Le long chemin des hommes
On retrouve, rassemblés dans ce nouvel ouvrage de Jean Fourastié, la plupart des thèmes qui lui ont valu, dans le grand public cultivé, l’audience que l’on sait. Mais cette fois, les sujets, au lieu d’être présentés séparément, chacun pour soi en quelque sorte, sont ordonnés les uns par rapport aux autres en fonction d’un thème majeur – celui de la condition humaine.
Les composantes de cette condition sont (dans le désordre) : le bonheur, l’amour, le plaisir, la mort, les autres, la vie quotidienne, le travail… autant de chapitres distincts dans le livre. Mais dans chacun d’entre eux, les analyses de Jean Fourastié font appel à toute la gamme de ses disciplines préférées : l’économie, la démographie, les sciences sociales, la prospective, les sciences exactes. Il en résulte des rapprochements inattendus, des conclusions qui ne paraissaient pas être contenues dans les prémisses, et pour le lecteur des surprises à chaque page. Nous ne savons pas si l’auteur a connu Louis Armand et s’il a été influencé par lui, mais les démarches intellectuelles de l’un et de l’autre nous ont frappés par leur évidente parenté.
Nous disons bien : démarches intellectuelles et non aboutissements. Car il y a dans la conception du monde de Jean Fourastié des aspects mystiques qui, par nature, ne peuvent être que personnels. On s’en convaincra en lisant le chapitre : « Le sens de la vie, la Foi », qui sert de conclusion aux réflexions de l’auteur (« Je dirai ce qui fait pour moi le sens de la vie privée. Je dirai ce qui pourrait, à mon sens, rendre la vie sociale moins décevante », nous annonce-t-il dès la préface du livre). Ce long chapitre reprend d’ailleurs bien des idées que Jean Fourastié avait déjà développées dans sa célèbre « Lettre ouverte aux théologiens » parue dans Le Figaro en 1973.
En explorant Le long chemin des hommes, Jean Fourastié s’est, bien entendu, laissé guider par bien des échos de sa propre expérience de la vie. Il ne pouvait en être autrement dans la mesure, nous dit-il, où « presque aussi naïvement que Jean-Jacques Rousseau, j’ai toujours pensé trouver en moi les traits essentiels de la condition humaine ; à la limite, je m’intéresse à moi dans la mesure où ce moi me fait connaître l’humanité ».
Quoi qu’il en soit, ce livre sincère, généreux et intelligent jouera, croyons-nous, le rôle d’un révélateur pour la plupart de ceux qui le liront. ♦