Politique et diplomatie - Le président Carter : moralisme et réalités
Il est désormais possible d’avancer des hypothèses mieux fondées sur les orientations probables de la nouvelle Administration américaine. Le Président Carter a en effet constitué son équipe. Les choix qu’il a faits sont à certains égards révélateurs de ses intentions et l’on peut préjuger des avis que donneront au Président quelques-uns de ses collaborateurs, même s’ils ne doivent pas être suivis car il faut tenir compte du tempérament du Président Carter qui ne se révélera qu’en face des problèmes et à l’épreuve des crises.
D’une manière générale, il semble que le Président Carter s’efforcera d’en revenir, en matière de politique étrangère, à l’inspiration wilsonienne. Au réalisme prôné par Richard Nixon et mis en pratique par Henry Kissinger, le Président Carter voudrait substituer une politique prenant en considération les valeurs morales. C’est par exemple au nom des « principes » que le Président Wilson, peu de temps après son élection à la Maison Blanche, refusait de reconnaître le gouvernement mexicain du général Huerta issu d’un coup d’État le 9 février 1913. L’obstination « moraliste » de Wilson et l’aggravation des pressions exercées par Washington sur le gouvernement de Mexico allaient conduire, en août 1914, au renversement du gouvernement Huerta et au rétablissement au Mexique d’un régime « constitutionnaliste ». En l’occurrence, Wilson avait dû s’opposer aux gouvernements britannique et français qui avaient, eux, reconnu le gouvernement du coup d’État et appréciaient peu les démarches américaines. Il est vrai qu’à l’époque le Mexique était le théâtre d’une compétition serrée entre les entreprises économiques, financières et commerciales britanniques, françaises et américaines. Le moralisme wilsonien coïncidait en l’occurrence avec la défense d’intérêts matériels, pétroliers et autres des États-Unis, intérêts que Washington entendait alors protéger au nom de la doctrine Monroe (1).
Ce rappel historique a pour objet de faire apparaître les caractéristiques et les limites assez étroites d’une politique idéologique lorsqu’il s’agit d’un grand pays directement engagé dans les affaires internationales. Les principes affirmés au plan du discours vont rarement à rencontre des intérêts matériels. C’est ainsi qu’il convient d’interpréter les récentes déclarations qu’a faites M. Cyrus Vance, le nouveau secrétaire d’État, dans sa première conférence de presse, le 31 janvier 1977 à Washington. Les États-Unis, a-t-il dit, ont l’intention de « parler franchement de l’injustice lorsqu’il s’en commet en Union Soviétique ou dans d’autres nations »… « nous n’avons pas l’intention de faire des commentaires sur toutes les questions (qui peuvent se poser à ce propos) mais nous avons l’intention de faire nos commentaires lorsque nous constaterons une menace à l’égard des Droits de l’Homme et lorsque nous pensons que de tels commentaires peuvent être constructifs ». Cette prise de position moraliste vise le respect des libertés en Union Soviétique mais tout aussi bien le respect des droits fondamentaux sous des régimes aussi divers que ceux de l’Afrique du Sud et de la Rhodésie, du Chili et de la Corée du Sud.
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