L’Europe c’est fini
Ce constat de décès de l’Europe n’est-il pas quelque peu prématuré ? Faut-il attribuer la responsabilité de cet échec aux groupes multinationaux qui ont favorisé la constitution d’une certaine Europe, mais se sont opposés victorieusement à l’installation à Bruxelles « d’un pouvoir politique fort, capable de leur tenir tête, de les empêcher-de dicter leur loi » ? Telle est du moins l’opinion de ce journaliste accrédité à Bruxelles auprès des institutions européennes et spécialiste des questions agricoles et des relations avec les pays en voie de développement.
Si l’on n’est pas d’accord avec le diagnostic très pessimiste de l’auteur, on peut difficilement contester les faits qu’il rapporte. Sa documentation abondante suggère cependant d’autres explications que celle, unique, qu’il présente en conclusion. La constitution d’un véritable pouvoir à Bruxelles s’est heurtée à d’autres obstacles que les intérêts des groupes multinationaux, qui ne sont forts que de la faiblesse, du scepticisme ou de l’opportunisme des gouvernements responsables. L’explication n’est pas très flatteuse pour les hommes d’État qui se sont succédés sur la scène européenne : ont-ils été complices ou victimes impuissantes des sociétés multinationales représentant des intérêts surtout américains ? Il est bien vrai, comme le dit José Fralon, que la Communauté dialogue principalement avec les producteurs et fort peu avec les salariés et les consommateurs. Mais cet économisme n’était-il pas inscrit dans son destin, à partir du moment où on lui a donné un caractère fonctionnel et où l’on a renoncé à une Europe institutionnelle ? La popularité dont jouit l’idée d’une Europe unie dans les diverses opinions publiques du continent, et dont témoignent de nombreux sondages, risque de rendre sa disparition aussi douloureuse que les sacrifices qu’aurait exigés son accomplissement. ♦