Libération du Nord et du Pas-de-Calais
Voici certainement un des meilleurs livres de la Collection « Libération de la France » dirigée par Henri Michel.
Les auteurs en sont deux professeurs lillois qui ont pu mener leur enquête sur place, recueillir de nombreux témoignages d’acteurs et consulter les fichiers bien remplis des correspondants départementaux du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale.
Leur mérite est d’avoir refusé de faire de cette histoire de la libération dans les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais un simple catalogue de toutes les actions menées au nom de la Résistance. Au contraire, les auteurs ont su intégrer ce moment de la Libération dans son cadre politique, stratégique, économique et social, tenant compte des traits hérités du passé et évoquant ses prolongements dans la vie politique et sociale de la région après 1944.
« Les événements se prêtaient mal au récit. Le Nord est délivré en quatre jours, la dévolution du pouvoir s’y opère sans problème. Les troubles, s’ils inquiètent, sont circonscrits à quelques foyers. Comparés à ceux du Sud-Ouest ou à des zones à gros maquis, ils sont véniels. Mais derrière ce calme de surface, qu’y a-t-il ? »
La réponse satisfait ceux qui refusent les explications simplistes ou partisanes et leur préfèrent des analyses en profondeur de situations complexes. Il fallait tenir compte des caractères spécifiques de l’occupation allemande dans le Nord (zone réservée intégrée à la zone interdite, rattachement à l’Oberkommando de Bruxelles, exploitation économique, densité d’occupation dans le Pas-de-Calais, etc.). Il fallait aussi intégrer les farouches luttes entre « Unitaires et Confédérés », entre socialistes et communistes dans les bassins miniers entre les deux guerres et dont le souvenir était loin d’être oublié. Il fallait également évoquer la stratégie alliée – ou tout au moins britannique – pour montrer quel rôle pouvait jouer la Résistance avant et au moment de la Libération.
Tous ces aspects, ainsi que l’organisation politique et militaire de la Résistance sont évoqués avec beaucoup de clarté et de précision. Les auteurs étudient ensuite la dévolution du pouvoir et la remise en ordre, les dures réalités de l’après-libération (la crise économique et le ravitaillement) et enfin, dans une dernière partie très éclairante sur la naissance de la IVe République, le laminage des mouvements de Résistance au profit des trois partis qui vont se partager le pouvoir, PC (Parti communiste), SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière) et MRP (Mouvement républicain populaire), dans un climat de crise sociale et politique mal maîtrisée. Il y a, notamment, quelques pages fort suggestives sur les rapports épuration-réformes sociales. La justice patriotique devait-elle trouver son prolongement dans la justice sociale, comme l’affirmaient certains ? Ou bien, comme le soutiendra le garde des Sceaux, y a-t-il d’une part l’épuration des coupables qui intéresse le Code pénal, d’autre part les réformes de structures qui concernent le législateur ? Le débat est bien posé et provoque la réflexion. ♦