La Libération de Toulouse et de sa région
Deuxième ouvrage d’une collection consacrée à l’Histoire régionale de la Libération de la France dirigée par M. Henri Michel, le livre de Pierre Bertaux a été écrit dans un tout autre esprit que celui qui l’a précédé : la Libération de la Corse du général Gambiez. Celui-ci s’était d’abord fait l’historien de la Corse de 1940 à 1943 avant de décrire les événements dont il fut un des principaux acteurs. Pierre Bertaux prend les faits au moment où, le 20 août 1944, il s’installe à la Préfecture de Toulouse comme Commissaire de la République, et les conduit jusqu’en mars 1946, quand il quitte ces fonctions. C’est donc essentiellement un témoignage :
« Il est des cas où dire “je” est une marque non de vanité, mais bien au contraire de modestie. Dire “je”, cela veut dire : voici ce que j’ai vu, moi ; voici ce que j’ai fait, comment et pourquoi ; je n’ignore pas les limites de mon expérience et de mon action personnelles, loin de là ; mais de ceci, du moins je puis apporter un témoignage qui peut être accepté à ce titre ».
Et c’est un témoignage sur la période qui a suivi la Libération, puisque, en ce qui concerne la libération de Toulouse, l’auteur n’hésite pas à écrire : « Serait-il impie, aujourd’hui, de dire que ceux qui ont libéré Toulouse, ce ne sont ni le peuple toulousain, ni les FFI [Forces françaises de l’intérieur], ni les guérilleros, ni les gendarmes, mais les Allemands en décidant de s’en aller ».
Cette citation montre que le témoignage de Pierre Bertaux fera grincer des dents et sera contesté. Mais l’auteur a des titres pour témoigner. Professeur à la Faculté des Lettres de Toulouse en 1939, il organise un des premiers réseaux de Résistance de la région. Arrêté en décembre 1941 par la police de Vichy, emprisonné pendant deux ans, il reprend contact avec la Résistance et accepte de devenir le suppléant de Jean Cassou, prévu pour devenir le Commissaire de la République à Toulouse à la Libération. Le 19 août 1944, Jean Cassou est grièvement blessé par une patrouille. Le 20, il n’y a plus d’Allemands dans Toulouse. Pierre Bertaux qui semble être le seul à Toulouse à savoir qu’il est le suppléant de Cassou, se paye d’audace et s’installe à la Préfecture. Il y a là un récit, haut en couleur, de la confusion qui règne à la Préfecture comme dans la ville, et de « la prise du pouvoir » par le nouveau Commissaire.
Une fois admis, le nouveau Commissaire doit imposer sa volonté dans ce que l’on a appelé parfois la République rouge de Toulouse. Ainsi analyse-t-il, dans de longs chapitres, ses rapports avec les comités départementaux de Libération, avec les Espagnols et surtout avec les communistes dont l’influence est grande sur toutes les organisations résistantes. Pierre Bertaux souligne notamment, grâce à de nombreux documents, combien est grande la différence d’optique entre les militants locaux (en particulier ceux des milices patriotiques) et la direction du Parti reprise en main par Maurice Thorez à son retour d’URSS.
Ce témoignage est une évocation vivante, souvent caustique, parfois désabusée, d’une période troublée où l’universitaire Pierre Bertaux, devenu proconsul, dut affronter tous les problèmes posés par l’épuration, l’intégration des FFI, la désorganisation de l’économie, la pénurie de ravitaillement et le rétablissement du pouvoir de l’État. ♦