L’inflation mondiale et les firmes multinationales
De formation universitaire, doté d’un tempérament de lutteur, Charles Levinson s’est mobilisé au bénéfice de la réflexion et de l’action économique à l’échelle mondiale en se lançant dans l’activité syndicale comme secrétaire général de la Fédération internationale des syndicats de travailleurs de la chimie et des industries diverses.
Dans une certaine mesure, la traduction de son livre vient à son heure en France, non pas que les sujets qu’il traite et les théories qu’il formule aient de quoi surprendre les économistes français, mais du fait que ces sujets et théories viennent de donner lieu – assez exceptionnellement dans notre pays – à un très large débat d’opinion à l’occasion de la campagne électorale. Qu’il s’agisse du réalisme revendiqué par le programme commun de la gauche ou de la crédibilité des objections qui lui furent opposées par la droite, c’est très précisément le contenu des différents chapitres du livre de Charles Levinson qui a donné matière aux discussions les plus animées.
Les principales questions débattues autour du thème général des causes de l’inflation, sont, entre autres, celles de l’influence des salaires sur les prix, des bienfaits ou des conséquences néfastes d’une politique des revenus, de la grande pénurie mondiale de capitaux, du chômage-remède ou stimulant de l’inflation, des investissements financés par le cash-flow des entreprises, etc., etc. Des formules souvent percutantes pallient l’aridité de l’exposé de Charles Levinson : il nous parle de « l’appétit malsain de croissance de l’organisme économique », des « profits nets qui ne constituent plus qu’une espèce de rituel de l’idéologie capitaliste, culte des ancêtres, vide de toute signification », ou encore, du « Marché commun et autres groupements régionaux qui sont des concepts liés à une société prétechnologique et tout à fait dépassés »…
Les meilleurs développements sont sans doute ceux consacrés aux sociétés multinationales, véritables monstres économiques, que l’auteur connaît bien pour les avoir observées « de l’intérieur » et dont il nous décrit le fonctionnement et les ambitions avec une sorte de fureur contenue, mais tout en s’appuyant sur une quantité de données objectives qui permettent de très bien comprendre la vraie nature de ce phénomène nouveau et récent de l’activité économique.
L’ensemble de tous ces faits, malheureusement présentés en ordre dispersé et sans plan bien structuré, donne un panorama complet et frappant de l’économie et du monde des affaires d’aujourd’hui. L’ambition de l’auteur n’était manifestement pas de bâtir une théorie, mais bien plutôt de remuer des idées, de s’attaquer à certains préjugés vétustes enracinés dans l’opinion et de montrer à un public quelque peu somnolent que rien dans le monde ne fonctionne plus comme avant et qu’il convient d’y prendre garde.
Malgré un ton assez péremptoire, l’argumentation de l’auteur ne choquera personne, croyons-nous, car on sent qu’il est parfaitement sincère et de bonne foi. Elle incitera certainement à la réflexion et tout lecteur objectif lui sera reconnaissant d’avoir contribué à son « recyclage » sur un certain nombre de questions économiques qui ont, quoiqu’en disent certains, beaucoup évolué depuis John Stuart Mill, David Ricardo et même John Maynard Keynes. ♦