Restauration et monarchie de Juillet sont souvent et fort injustement considérées comme deux temps morts de l’histoire française, éclipsées qu’elles sont par les gloires excessives des deux empires. Rendre passionnante la période 1815-1848, c’est la gageure qu’ont pu tenir André Jardin, maître assistant à l’Université de Paris VIII et André-Jean Tudesq, professeur à l’Université de Bordeaux, deux éminents spécialistes du XIX^e siècle. La France des Notables sert de titre général à deux petits volumes remarquablement bien écrits qui évoquent l’un, l’évolution générale, l’autre la vie de la nation.

Le premier volume permet de mettre en place et dans le cadre unique de la monarchie censitaire, le grand débat de la période : l’affrontement d’une structure sociale stable contrôlée par les notables avec l’innovation dans tous les domaines. Innovation intellectuelle grâce au développement des théories libérales et des socialismes utopiques, grâce à l’ascension du romantisme, innovation politique avec la mise en place, après 1830, des grandes lignes du régime parlementaire, innovation économique avec le lent démarrage de la révolution industrielle.

Cependant l’apport le plus neuf est celui du second volume consacré entièrement à une étude régionale. Cette entreprise a deux mérites : celui d’abord de détrôner Paris, sujet trop souvent omniprésent et parfois unique de l’histoire de France, celui aussi de proposer une sorte d’instantané de l’espace français dans les derniers temps de l’ancien régime économique. Vaste panorama rendu possible par la multiplication des études d’histoire régionale : les auteurs ont pu tirer profit des travaux de Jean Vidalenc (Normandie), de Maurice Agulhon (Midi), de P. Léon (Lyon et le Dauphiné), de R. Laurent (Côte-d’Or), de Paul Leuillot (Alsace), d’Adeline Daumard (Paris), etc.

Le lecteur peut ainsi faire son tour de la France au premier XIX^e siècle : il découvrira tour à tour une Bretagne rejetée dans ses riches traditions, une Normandie ouverte à l’innovation agricole et industrielle, un Midi méditerranéen qui glisse du légitimisme le plus dur à l’opposition républicaine… Avec le même intérêt il parcourra le Sud-Ouest, Lyon et sa région, les montagnes du Centre, l’Est, la région du Nord, enfin Paris et la région parisienne. Il pourra mesurer à travers la variété et l’originalité de l’univers provincial, la vie profonde d’une France en mal d’industrialisation. ♦