La Commune de Paris (1871). Sa structure et ses doctrines
On rechercherait vainement dans cet ouvrage un récit des événements. Au contraire, il est indispensable pour en apprécier tout l’intérêt, de connaître la trame de l’histoire de la Commune.
En effet, Charles Rihs, universitaire suisse, docteur en sociologie, s’est surtout fait connaître comme historien des idées. Et il est parti à la recherche, non des événements, mais des idées et des courants politiques qui ont animé les délégués élus à l’Hôtel de Ville de Paris le 26 mars 1871. Or ces courants sont fort nombreux, tous dissimulés derrière un vocable unique. « Commune », dont la signification est, par là même, fort ambiguë : « Les circonstances extérieures offrirent aux blanquistes et aux jacobins l’occasion d’appliquer leur programme d’action et aux fédéralistes le moyen d’exposer leur rêve d’autonomie. Un mot pouvait rendre solidaires les deux partis, celui de Commune ».
Schématiquement, trois interprétations coexistent donc à l’Hôtel de Ville : la Commune révolutionnaire des jacobins et blanquistes se rattachant à la Commune révolutionnaire de l’An II, considérée comme méthode d’action, beaucoup moins soucieuse de philosophie sociale ; la Commune, base d’un nouvel ordre social dont Proudhon et l’Internationale avaient fait l’apologie : enfin l’autonomie communale, c’est-à-dire les franchises municipales, et particulièrement l’octroi des libertés municipales à la ville de Paris, revendication émanant essentiellement des membres de la Commune issus de la petite bourgeoisie.
Car la Commune n’était pas qu’un mouvement prolétarien. L’analyse des conditions sociales de ses membres le prouve, où apparaissent les petits-bourgeois en révolte contre la centralisation administrative et politique française et qui en appellent à Étienne Marcel.
Courants et tendances sont eux-mêmes profondément divisés, en particulier à propos de l’organisation politique : les néo-jacobins se réclament d’un pouvoir révolutionnaire très centralisé et se heurtent aux revendications fédéralistes ; parmi les internationalistes, la tendance « jurassienne » s’avère anti-étatiste, fédéraliste, anarchiste et se réclame de Bakounine, alors que l’Association londonienne proclame la nécessité d’un communisme d’État avec pouvoir centralisé. Si cette dernière n’est pas représentée à l’Hôtel de Ville, sinon par Frankel, seul à pouvoir recevoir l’étiquette de communiste au sens marxiste (Marx n’exerce aucune influence sur la Commune et ne commencera à être connu en France que par ses commentaires sur la guerre civile), en fait les autres tendances s’entrechoquent, multiplient les débats et les exclusives au point que Delescluze préférera aller se faire tuer sur les barricades plutôt que de continuer d’interminables discussions au moment où les Versaillais entrent à Paris.
Tout au long de cette étude très fouillée et documentée, Charles Rihs recherche les racines profondes des courants idéologiques, décrit leur évolution et dégage nettement, à travers la perspective historique, les principales lignes de force, au milieu de ce foisonnement d’idées qui veulent construire l’avenir tout en se rattachant à un passé plus ou moins lointain.
Le livre se clôt sur une très complète bibliographie générale sur la Commune. ♦