Le miracle autrichien
Kurt Waldheim, avant de succéder à M. U Thant au secrétariat général de l’ONU, était ministre des Affaires étrangères d’Autriche. Il évoque l’histoire de son pays de la fin de la Première Guerre mondiale jusqu’aux négociations d’association avec le Marché commun. Cette histoire s’ouvre avec la consécration, par le traité de Versailles, de la fin de l’empire austro-hongrois : si l’on peut considérer que l’Europe bourgeoise du XIXe siècle est morte en juillet 1914, c’est seulement en 1919 que l’on se rendît vraiment compte qu’un temps de l’histoire était clos, qu’un autre s’ouvrait. Elle se termine avec l’association de l’économie autrichienne à celle des États de l’Europe de l’Ouest, dans le cadre de la détente entre l’Est et l’Ouest, car l’Union soviétique aurait pu utiliser le « traité d’État » pour s’opposer à cette association. Ce renouveau est, aux yeux de M. Kurt Waldheim, un véritable « miracle ».
C’est qu’en effet, annexée par le IIIe Reich le 12 mars 1938 (et l’on ne pouvait pas, alors, ne pas songer à Sadowa), l’Autriche se trouvait en 1945 dans le camp des vaincus sans avoir opté pour le national-socialisme, bien au contraire. Elle émergea du chaos : « Un pays situé dans une région extrêmement sensible, exactement à la charnière des zones d’influence des grandes puissances, devint, grâce à sa neutralité permanente, un centre de stabilité, qui contribua grandement à l’atténuation de la tension en Europe et à l’amélioration des relations entre les grandes puissances. Il est vrai que la solution du problème autrichien fut facilitée par un facteur qui fait défaut dans d’autres pays divisés : dès ses débuts, la nouvelle république était dotée d’un seul gouvernement, et n’était pas morcelée en unités politiques ou administratives distinctes, bénéficiant chacune d’un appui idéologique ou extérieur différent ». Le mot même « Autriche » est inséparable du déclenchement de la Première Guerre mondiale, et il symbolise les débuts de l’expansionnisme du IIIe Reich. Or, c’est à son sujet qu’en 1955, les quatre « Grands » signèrent le « traité d’État » qui en fit un État neutre et en permit la résurrection internationale par son entrée à l’ONU. C’est à Vienne que se rencontrèrent Kennedy et Khrouchtchev, et que s’engagèrent les négociations sur la limitation de certains armements stratégiques… Il y a bien là un « miracle ». M. Kurt Waldheim utilise le mot, mais il explique le phénomène. Il y voit le résultat d’un effort politique, et, à cet égard, son livre est profondément attachant. ♦