L’encerclement
Parmi les êtres vivants, l’homme serait-il le seul à « souiller son nid ? ». Non, assure Barry Commoner, mais les esturgeons ont déserté le lac Érié, dans l’Illinois, et l’eau des puits est contaminée, Los Angeles est asphyxiée par le « smog », çà et là, les centrales nucléaires ou les expériences empoisonnent l’atmosphère de leurs fumées ou de leurs retombées.
« L’écosphère », ce cadre où la vie a pu proliférer, où notre civilisation a pu s’épanouir est envahie par les déchets inassimilables de nos industries. Il nous appartient donc d’assainir le sol, l’air et les eaux que nous avons salis. Ce ménage à l’échelle planétaire relève de l’écologie. L’entreprise n’est pas si simple si l’on considère que l’environnement est fait d’équilibres et que tout est étroitement lié à tout. Il ne suffit pas de constater que la pollution, née de la réussite de notre technologie, et par là du développement des sciences, est l’échec de nos succès, mais il faut admettre qu’un tel fiasco est le fruit d’une économie de profit.
Eh bien, dira-t-on, il n’est que de consacrer la « plus-value » au nettoyage de notre biotope. L’on sait pourtant qu’une mesure aussi radicale aurait dans le système où elle serait appliquée des répercussions sociales et économiques bouleversantes.
Ni le capitalisme ni le communisme ne sont parvenus à conformer leurs normes de production aux impératifs de l’écologie, pas davantage ils ne sont prêts à lutter efficacement contre les dangers qu’ont fait naître leur volonté de production et de consommation à tout prix.
« Ou le monde survivra dans son ensemble à la crise de l’environnement, ou il périra tout entier ». Il est grand temps d’agir, clame Barry Commoner, car l’irréparable est pour demain. Il était bon de poser ce problème et il est ici remarquablement posé, mais l’on ne voit pas dans son énoncé l’amorce d’une solution. Alors que s’impose une thérapeutique radicale, l’auteur de ce livre, par ailleurs excellent, ne nous propose que quelques remèdes de bonne femme. Les « simples » ont la faveur d’une génération qui prône le retour à une économie biblique et s’insurge contre la tyrannie du progrès en oubliant que l’aimable monde des pasteurs ne se chiffrait sur la surface du globe que par quelques millions d’hommes… ♦