Le système Pompidou
On sait avec quelle vigueur le général de Gaulle, au temps de « la traversée du désert », fustigeait « le système » en lequel s’étaient dégradées les institutions et la pratique de la IVe République. On s’attendait donc à ce que l’auteur, aujourd’hui directeur du Nouvel Observateur et militant socialiste, après avoir appartenu jadis aux jeunesses communistes et avoir été ensuite l’un des fondateurs du Parti socialiste unifié (PSU), se livrât à une critique acerbe et typiquement marxiste du pouvoir.
Disons tout de suite qu’il n’en est rien et que Gilles Martinet reste toujours mesuré et courtois, sinon parfaitement impartial. Sa thèse est simple : le gaullisme pur et dur des origines s’est dégradé dans le même temps que se développaient les contradictions qui s’y étaient introduites avant même que le Général ne quittât le pouvoir. Elles ont essentiellement pour origine l’alliance qui s’est nouée entre, d’une part la nouvelle génération de technocrates – les « énarques » notamment – animés d’une volonté moderniste et d’une foi néo-capitaliste donnant la priorité au développement industriel, et d’autre part une « clientèle » politique conservatrice et hétérogène qui est la principale bénéficiaire de ce développement. En dépit des progrès acquis dans l’ensemble, les inégalités vont s’accentuant, le régime se coupe de toute assise populaire et il ne tiendrait plus que par la vertu des victoires électorales du passé. Il serait à la merci de la première crise grave pourvu que la gauche présentât une alternative valable.
Si la critique de Gilles Martinet est sévère pour la majorité au pouvoir, elle ne l’est pas moins à certains égards pour la gauche. Qu’on en juge plutôt : « La gauche française s’est toujours portée aux extrêmes : ou elle gère maladroitement les affaires de la bourgeoisie, ou elle se réfugie dans le rêve. Il est temps qu’elle se fixe des buts à la fois plus ambitieux et plus réalistes ». De même, s’agissant de la défense : « La gauche doit se débarrasser d’une certaine niaiserie antimilitariste. On ne peut se contenter de répéter que l’on va supprimer la force de frappe, réduire les crédits de la défense nationale, maintenir le service obligatoire et exiger des officiers une parfaite neutralité politique ». N’est-ce pas pourtant ce qu’affirme un certain programme commun ? Ah ! que la gauche gagnerait à prendre le visage et la voix de notre estimé confrère ! ♦